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Manifestations contre la candidature d'Abdelaziz Bouteflika à un nouveau mandat : les Algériens veulent une "transition pacifique et démocratique"

Pour l'historien Benjamin Stora, "on voit le visage d’une Algérie qu'on a perdu l'habitude de voir : celle de la jeunesse qui descend dans la rue en masse".

Article rédigé par franceinfo
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Des étudiants algériens manifestent à Oran contre la candidature d'Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat de président, le 26 février 2019. (STRINGER / AFP)

Des jeunes et des étudiants ont participé mardi 26 février à une nouvelle journée de manifestations en Algérie pour dire "non" à un cinquième mandat que s'apprête à briguer Abdelaziz Bouteflika. Le président algérien déposera sa candidature à l'élection présidentielle dimanche, selon son directeur de campagne. Une situation inédite, pour Benjamin Stora, historien et professeur des universités spécialiste du Maghreb, invité de franceinfo. Il estime que les Algériens veulent une "transition pacifique et démocratique".

franceinfo : Est-ce une mobilisation qui vous surprend ?

Benjamin Stora : On voit le visage d’une Algérie qu'on a perdu l'habitude de voir : celle de la jeunesse qui descend dans la rue en masse. Ce qui est très important, parce que l’Algérie est un pays très jeune. Le fait que ce soit la jeunesse qui s’exprime aujourd’hui signifie que pour une grande partie de la société, il y a une soif de changement. Ce que veulent les jeunes, mais aussi le reste de la population, c’est une transition pacifique et démocratique. C’est une mobilisation importante, bien qu'il y ait eu des indices concordants : des grèves sociales sur la question du logement, de la corruption ou encore du pouvoir d'achat. C'est marquant. Nous avons vu des manifestants dans plusieurs villes. Il sera difficile d'opposer une région à une autre comme ce qu'avait l'habitude de faire jusqu'à présent le pouvoir algérien.

Comment l'idée même qu'Abdelaziz Bouteflika soit de nouveau candidat ait pu émerger ?

Parce qu'aucun consensus politique n'a été établi entre les principaux décideurs du pouvoir. Ils ont essayé, mais aucun nom n'est véritablement sorti. À partir de là, ce qui a dominé c'est le statu quo. C'est-à-dire : essayer de gagner du temps et de continuer comme avant. Néanmoins la société a changé, et les jeunes qui n'ont connu qu'Abdelaziz Bouteflika depuis vingt ans ou plus veulent un changement profond et les réseaux sociaux y jouent un rôle important. L'opposition existe et différents partis politiques continuent d'exister. Néanmoins, c'est le manque d'unité, d'homogénéité et de programme qui fait défaut. Les Algériens ne sont pas contre le personnage Abdelaziz Bouteflika. Il représente la tradition d’une histoire ancienne. Les Algériens sont contre le cinquième mandat, cette espèce de décision prise sans eux, contre eux et aussi cette absence de transparence de la décision politique. Les exigences de démocratie sont très fortes dans la société aujourd’hui.

Est-ce que ce statu quo arrange les pays proches de l'Algérie, notamment la France ?

Pour l’instant oui. La plupart des pays du Maghreb mais aussi les pays de l’autre côté de la Méditerranée, principalement la France, se sont satisfaits de ce statu quo. C’est un dilemme compliqué pour la France. Se prononcer sur la question algérienne venant de l’ex-puissance coloniale serait mal vécu, mal vu. Mais en même temps, ne rien dire, c'est être accusé de soutenir le pouvoir en place. La France pour l’instant s’était réfugiée dans ce statu quo. Nous rentrons dans une période d'incertitude et de rapport de force. C'est une nouvelle situation qui va s'ouvrir. Nous sommes encore très loin du 18 avril, date de l'élection.

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