Cet article date de plus de huit ans.

Burundi : chape de plomb et «double-langage» du pouvoir, Washington accuse

Les experts sont unanimes : le Burundi est encore loin de sortir de la crise qui a éclaté depuis un an, après la candidature contestée et la réélection du président Pierre Nkurunziza. Malgré une accalmie apparente à Bujumbura, la peur règne toujours dans les quartiers de la capitale. La répression contre les opposants se poursuit à huis clos. Washington dénonce le double langage du pouvoir.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le président burundais Pierre Nkurunziza (au milieu) pose avec ses deux vice-présidents, le 20 août 2015 à Bujumbura. Washington accuse le pouvoir burundais de double-language dans la crise qui secoue le pays. (Photo AFP/Landry Nshimiye)

 
On ne ramasse plus de cadavres chaque matin dans les rues de Bujumbura. Mais la peur y est omniprésente. Les attaques à la grenade, jamais revendiquées, qui endeuillaient la capitale se sont faites plus rares.
 
Selon les organisations des droits de l’Homme, la répression est devenue plus discrète, à l’abri des regards, même si elle n’a pas faibli.
 
«La police, l’armée et les services de renseignements, ainsi que les membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir, ont recours à des méthodes de plus en plus brutales pour punir et terroriser ceux perçus comme opposants», note Daniel Bekelé, directeur de la division Afrique à Human Rights Watch.
 
L’ONU dénonce de nombreux cas d’arrestations extrajudiciaires, de tortures, de disparitions forcées, d’exécutions, ainsi que l’existence de fosses communes.
 
«Je suis profondément préoccupé par des informations sur l’existence de lieux de détention secrets à travers le pays… Les auteurs de ces tortures et mauvais traitements ont, jusqu’à présent, bénéficié d’une impunité totale», s’alarme Zeid Ra’ad al-Hussein, le Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme.
 
Mais les violences ne sont pas le monopole du pouvoir, constate Human Rights Watch dans son dernier rapport sur le Burundi.
 
«Les attentats par les groupes d’opposition sont devenus de plus en plus ciblés, visant des membres ou des sympathisants du parti au pouvoir et des forces de sécurité. Contrairement à ce qu’affirment leurs dirigeants lorsqu’ils disent qu’ils veulent défendre la population, les tactiques qu’ils emploient exposent les citoyens burundais au risque de nouveaux abus», affirme HRW qui a enquêté sur place.
 
Se taire de peur de devenir la cible
Dans une lettre ouverte dont l’AFP a publié des extraits, une soixantaine d’intellectuels, de chercheurs et d'enseignants en provenance de prestigieuses universités africaines, américaines ou européennes, dénoncent «la chape de plomb» qui s’est abattue sur le Burundi.
 
«Un pays où les gens se taisent de peur de devenir la cible de violences à cause de ce qu’ils sont ou de ce qu’ils pensent.» Que reste-il de la liberté de pensée au Burundi, s’interrogent ces intellectuels qui condamnent «une pensée unique qui s’installe, refusant le débat et la contradiction et qui manifeste ce refus avec la plus grande violence».
 
Les principales radios indépendantes ont été détruites au début de la crise. Une centaine de journalistes et la quasi-totalité des leaders d’opposition ont pris le chemin de l’exil.
 

L'envoyé spécial des Etats-Unis dans la région des Grands Lacs, Thomas Periello, à Bujumbura le 27 janvier 2016 avec le premier vice-président du Burundi, Gaston Sindimwo. Ce dernier demande aux étrangers dont les pays d'origine ont rompu la coopération avec son pays, de plier bagages. (Photo AFP)

«Le double-langage» du pouvoir
L’envoyé spécial des Etats-Unis pour la région des Grands Lacs, Thomas Perriello vient de séjourner à Bujumbura. Il accuse le pouvoir burundais de «double-langage» et d’être l’élément moteur de cette crise qui n’en finit pas.
 
«Nous avons eu des engagements concrets du président lui-même il y a quelques semaines, sur la libération de prisonniers politiques ; Nous n’avons rien vu. Nous avons eu l’engagement du président lui même sur le déploiement de 200 observateurs de l’Union africaine, mais la question continue d’être esquivée», a dénoncé le diplomate américain au cours d’une conférence de presse à Bujumbura.
 
Pour lui, le gouvernement fait tout pour empêcher les partenaires du pays de continuer à aider le peuple burundais et l’économie burundaise.
 
Des ressortissants étrangers invités à plier bagages
En mars 2016, l’Union européenne a officialisé la suspension de son aide directe au régime du président Nkurunziza, pour dénoncer les violences et pour pousser le pouvoir au dialogue avec l’opposition.
 
Le gouvernement a pris acte tout en envoyant un message à ses partenaires européens par la voix du premier vice-président burundais, Gaston Sindimwo.
 
«Il y a certains Blancs qui ont pris des sanctions contre le Burundi, des sanctions de suspendre leur coopération avec notre pays. Paradoxalement, ils ne veulent pas quitter le Burundi et font leurs promenades dans le pays alors qu’ils ont fermé leurs bureaux. Nous leur demandons de faire un choix, soit de regagner leurs pays respectifs, ou alors de demander un visa de séjour touristique», a-t-il réagi  le 16 avril 2016 à Bujumbura dans une déclaration citée par l’agence Belga.
 
Tout en exprimant le souhait de son pays de reprendre sa coopération avec ses partenaires européens, le vice-président burundais a laissé entendre que le Burundi n’allait pas souffrir pour autant, tant qu’il dispose d’une terre fertile et d’une population laborieuse.
 
«A ceux-là, nous leur disons que nous avons construit notre maison, qu’ils attendent qu’on les y accueille le moment venu sans nous imposer quoi que ce soit», a martelé le premier vice-président du Burundi.
 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.