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Boko Haram crée la psychose dans les villes camerounaises

Le spectre de Boko Haram plane aussi sur les grandes cités camerounaises où la secte islamiste commence à terrifier les populations. Pourtant, l'incursion du groupe terroriste nigérian en zone urbaine serait, selon certains observateurs, un signe d'affaiblissement.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Une bannière, où on peut lire que le Nigeria est l'allié du Cameroun dans la lutte contre Boko Haram, à Yaoundé le 28 juillet 2015, le jour précédant la visite officielle du président nigérian Mohammadu Buhari. (Reinnier KAZE / AFP)

Après les campagnes, les terroristes de Boko Haram sèment désormais la terreur dans les zones urbaines au Cameroun. Les 22 et 25 juillet 2015, un marché et un bar ont été successivement la cible des islamistes à Maroua, une première dans la capitale de la région de l'Extrême-Nord du Cameroun, région frontalière du Nigeria.

Pour protéger sa famille, Oumarou, un habitant de la cité, n’a pas hésité à envoyer sa famille à Douala, la capitale économique (Sud-Ouest). «Tout le monde a peur (...) Quand on croise quelqu'un qui n'est pas connu dans le quartier, on appelle la police», confie-t-il à l’AFP. 

Les populations, encouragées dans ce sens par les autorités, sont devenues des sources d'information pour les policiers. Ainsi le ministre de l'Information Issa Tchiroma Bakary a fait récemment état du «concours précieux» d'un conducteur de moto-taxi qui a permis d'interpeller un adolescent de 15 ans, qui transportait des explosifs, et deux complices présumés. Objectif des terroristes: «se faire exploser dans une mosquée», selon le responsable camerounais.

Entre vigilance et suspicion
Une chanson résume bien l'atmosphère qui règne au Cameroun, notamment dans les grandes agglomérations. «Fouillez fouillez fouillez tout le monde/Fouillez fouillez, on ne sait plus qui est qui/Boko Haram est dehors», chante le rappeur camerounais Maahlox Levibeur dont l'opus intitulé Fouillez fouillez a été repéré par Les Observateurs de France 24.  

De même, dans les colonnes du quotidien gouvernemental, Cameroon Tribune, on pouvait lire le 5 août : «Il s’agit précisément de rester vigilant en permanence, même dans les périodes qui peuvent donner l’impression que la menace terroriste s’affaiblit». L'unique réaction possible face «à la triste experience des bombes humaines» que connaît depuis juillet 2015 le Cameroun. «Sur le carreau, poursuit l'articleplus d’une cinquantaine de morts, davantage de blessés encore et une psychose sans précédent sur l’ensemble du pays».


A Maroua, les mesures de sécurité ont été renforcées. La circulation des deux-roues, moyen de transport privilégié par les insurgés islamistes, a déjà été interdite la nuit dans cette ville commerçante, en majorité musulmane. Selon plusieurs sources sécuritaires, des sympathisants et membres de Boko Haram ont infiltré la ville depuis des mois et fournissent des renseignements à leur chefs. 

La sécurité est aussi renforcée dans les autres grandes villes du pays. Les gares routières à destination du sud, notamment des capitales Yaoundé et Douala, sont surveillées et les voyageurs systématiquement fouillés au moment d'entrer dans les bus. A Yaoundé, située à plus de 1000 km de Maroua, policiers et militaires sont omniprésents.

A Briqueterie, un quartier populaire de Yaoundé où vit une forte communauté musulmane, des opérations policières musclées ont eu lieu fin juillet 2015 dans des maisons et des mosquées. Selon le ministre camerounais de l'Information, qui a invité ses compatriotes à ne pas céder à panique, il s'agit d'«opérations de ratissage» qui ont mené à l'interpellation de «nombreux suspects» dans plusieurs régions du pays.

Un groupe terroriste craint mais «affaibli»
Pourtant, selon le journaliste camerounais Jean-Marc Soboth, spécialiste des questions de sécurité, la vague d’attentats  à Maroua est le signe de l’affaiblissement du groupe terroriste. «Le fait que Boko Haram se contente aujourd’hui de perpétrer des attentats-suicide, en lieu et place d’offensives massives et coûteuses pour capturer des villes entières, est signe que la secte est en perte de vitesse», explique-t-il dans un entretien accordé au journal algérien El Watan. «Cela rappelle le paradigme shebab au Kenya et en Somalie. C’est lorsque ce groupe salafiste a perdu le contrôle des villes et que sa force de frappe a été amenuisée qu’elle a adopté la stratégie moins dispendieuse des attentats-suicide».  

C’est dans ce contexte que les locaux de la chaîne de télévision africaine, Afrique Média, basée au Cameroun ont été mis sous scellés le 7 août 2015. Elle est suspendue pour un mois par le Conseil national de la Communication (CNC), organe national de régulation des médias, en application d’une décision du 4 juin  2015. Afrique Media est épinglée pour avoir accusé dans ses émissions la France et les Etats-Unis de soutenir Boko Haram. Le CNC le sanctionne pour avoir porté des «accusations non justifiées, de nature à porter atteinte à l'image et à l'honneur de personnalités, d'institutions et de pays étrangers».

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