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Le kwassa-kwassa, bateau mortel symbole de la misère des Comores
Le kwassa-kwassa vient de se faire un nom, suite aux propos polémiques du président français Emmanuel Macron. Cette frêle embarcation traditionnelle, surchargée, transporte des dizaines de Comoriens candidats à l’exil. La proximité de l’île de Mayotte, avec ses attraits propre à un département français, provoque un des plus violent flux migratoire du globe.
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Les Comores, un archipel de quatre îles à l’entrée du canal du Mozambique. 2235 km² de confettis, dont la moitié pour la Grande Comore. A l’indépendance en 1975, l’une d’elles, Mayotte, a voulu rester dans le giron de la France. Aujourd’hui, elle est le 101e département français.
Soixante-dix kilomètres de mer séparent l’île comorienne d’Anjouan de Mayotte. A la fois peu et beaucoup. Trop en tout cas pour ces kwassa-kwassa. En janvier 2015, la gendarmerie a intercepté une embarcation transportant 40 personnes pour une capacité de 10 passagers. Entre 7000 et 10.000 personnes auraient ainsi perdu la vie pendant la traversée depuis 1995, avance un rapport sénatorial de 2012.
Autorisée à l’indépendance, la libre circulation entre les trois îles des Comores et Mayotte est supprimée en 1994. Le fameux «visa Balladur», du nom du Premier ministre de l’époque, vise à freiner l’arrivée des Comoriens sur l’île française. Quasi impossible à obtenir, le visa va être le moteur des traversées illégales et parfois mortelles sur ces fameux kwassa-kwassa. En 2009, la France expulsait chaque jour 50 personnes de Mayotte, pour une population de 220.000 habitants.
Rendre Mayotte aux Comores
Pour bon nombre d’observateurs, le statut de Mayotte est à la fois la cause de tous les problèmes, et sa solution. En 1974, Olivier Stirn, secrétaire d’Etat aux DOM-TOM, mettait en garde contre la division de l’archipel: «Les Comores seront un Etat fragile, ne les rendons pas plus fragiles encore en les amputant d'une partie de leur territoire.» C’est pourtant ce qu’il sera fait. Aussi, beaucoup de Comoriens réclament purement et simplement le retour de Mayotte au sein de la communauté. En perdant son pouvoir d'attraction, Mayotte ne serait plus une destination de tous les dangers.
Car Mayotte agit comme un miroir aux alouettes pour les Comoriens. Malgré ses énormes difficultés économiques, le département d’outre-mer possède bien des avantages pour la population voisine. Ici, le pouvoir d’achat est dix fois supérieur aux trois autres îles. Ainsi, il y a le kwassa «sanitaire». Il transporte des personnes en demande de soins en provenance d’Anjouan. Ils sont peu nombreux, assurent les autorités françaises. 2% des 432 kwassas interceptés en 2016. Il n’empêche, cela illustre l’écart de développement entre les îles.
60.000 irréguliers
En 2009, le député Jean-Christophe Lagarde, de retour d’un voyage d’étude parlementaire sur place, avançait le nombre de 60.000 personnes en situation irrégulière sur l’île. Trop de monde, ce qui génère une surcharge des hôpitaux, des écoles, etc. Réponse à la misère, la délinquance explose et fait naître chez les Mahorais un sentiment d’exaspération. Jean-Christophe Lagarde déclarait en séance publique: «Je tiens toutefois à souligner – car il y a parfois dans la société mahoraise une forme d'hypocrisie – que cette population offre une main-d'œuvre bon marché, exploitable, taillable et corvéable à merci. (…) L'inspecteur départemental du travail évaluait à plus de 6000 Comoriens le nombre de personnes qui travaillaient au domicile de Mahorais, voire au domicile de fonctionnaires français implantés à Mayotte.»
Aide chinoise
Durant la même cession, Jean-Christophe Lagarde ajoutait: «Ces femmes enceintes qui traversent les soixante-dix kilomètres de mer ne le feraient pas si la France, au titre de la politique de coopération… construisait un hôpital aux Comores.» Huit ans plus tard, les vœux du député sont exhaussés. Un nouvel hôpital de 120 lits est inauguré en mai 2017 près de la capitale anjouanaise de Mutsamudu. Le hic, ce n’est pas la France qui l’a financé, mais la Chine! Un investissement de huit millions d’euros qui pourrait freiner le nombre de kwassas sanitaires, à condition que le personnel ne fasse pas défaut.
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