Congo : Denis Sassou Nguesso, le pouvoir à tout prix
La tension est forte à Brazzaville et à Pointe Noire à la veille d’un référendum qui doit permettre au président Denis Sassou Nguesso (DSN) de rester au pouvoir après 30 ans de règne. Les radios internationales et internet ont été coupés. La répression à huis clos a fait des morts et des blessés. Qui est vraiment Denis Sassou Nguesso?
Le parachutiste Sassou Nguesso commence sa carrière politique en 1968 par une mutinerie qui lui permet de faire son entrée au Conseil national de la révolution, dirigé par le futur président du Congo, Marien Ngouabi. Le 31 décembre 1969, DSN fait également partie des membres fondateurs du Parti congolais du travail à l’époque marxiste léniniste (PCT). Lequel a pour emblème le drapeau rouge et chante l’Internationale. Mais dans une confession à l’Express du 12 décembre 1996, l’ancien PDG d’Elf affirme que le géant pétrolier français avait dès cette époque infiltré le PCT : «Le Congo devenu quelques temps marxiste, mais toujours sous contrôle d’Elf», affirmait en 1996 Loïk Le Floch-Prigent. Le contrôleur local d’Elf, c’est Denis Sassou Nguesso. Et les concurrents d'Elf sont les multinationales américaines du secteur.
L’irrésistible ascension de DSN
Denis Sassous Nguesso commande le groupe de parachutistes dont sont issus alors les nouveaux maîtres du pays. Il organise et commande la sécurité d’Etat. C'est dans cette période trouble qu'une série de dirigeants politiques sont éliminés : Kiganga et ses amis en 1970, Ange Diawara et la gauche historique du PCT en 1972.
Le 10 octobre 1976, le président Marien Ngouabi décide d’augmenter la fiscalité sur le pétrole. Elf n’apprécie pas, cela pourrait donner des idées à d’autre pays.
En mars 1977, Marien Ngouabi est à son tour assassiné. S’en suit l’élimination de deux personnes d’influences : le cardinal Emile Biayenda et l’ex-président congolais Massamba-Débat. Le capitaine Pierre Anga, membre du Comité militaire, accuse Sassou de les avoir commandités. Il sera assigné à résidence dans son village natal puis tué par l’armée congolaise avec des dizaines d’autres villageois.
Toujours à la manœuvre, DSN arrive à la tête du pays en 1979, qu’il va tenir jusqu’aux élections pluralistes de 1992 qu’il perd.
Après une courte traversée du désert, l’ancien général parachutiste revient au pouvoir en 1997, à l’issue d’une violente guerre civile. Un retour soutenu par les armées angolaise, tchadienne et surtout par sa milice Cobra financée par Omar Bongo et Elf.
Denis Sassou Nguesso est de nouveau porté au pouvoir pour écarter le président élu Pascal Lissouba qui menaçait de donner l’exploitation du pétrole congolais aux Américains. Pascal Lissouba voulait voir doubler de 17 à 34% la part accordée par Elf au Congo pour son pétrole. Denis Sassou Nguesso retrouve le pouvoir et se contente de 17%.
Le massacre du Beach
En avril 1989, la guerre civile prend fin. DSN signe des accords avec le HCR pour le retour de milliers de Congolais qui s’étaient réfugiés à Kinshasa de l’autre coté du fleuve. La garde présidentielle de DSN fait monter dans des véhicules militaires 350 hommes jeunes et valides (des proches de l’ancien maire de Brazzaville, Bernard Kolelas) qu'on ne retrouvera jamais. On les appellera les disparus du Beach, du nom de l’embarcadère qui relie Kinshasa et Brazzaville. La cour criminelle de Brazzaville ouvre le procès de plusieurs officiers de haut rang accusés de ce crime. Tous seront acquittés. Une instruction sur les disparus du Beach est toujours ouverte à Paris.
Elections manipulées
DSN n’hésite pas pour autant à se soumettre au suffrage des urnes. Aux élections de 2002, un seul des candidats opposés à DSN, l’ancien Premier ministre André Milongo, jouit d’une réelle notoriété. A deux jours du scrutin, il retire sa candidature. Intimidé ou acheté? Denis Sassou Nguesso est élu très confortablement à la suite de ces élections contestées.
Le Congo est un pays riche en pétrole, mais 70% de la population vivent sous le seuil de pauvreté. Seule l’élite au pouvoir s’enrichit ostensiblement. Malgré des investissements dans les infrastructures, routes et chemin de fer, le Congo reste englué dans la pauvreté.
C’est pourquoi, l’opposition voit dans la modification de la Constitution «une déclaration de guerre contre le peuple congolais». Si Denis Sassou Nguesso refuse toute alternance politique, c’est peut-être pour éviter de devoir répondre un jour de tous ces fantômes qui hantent l’histoire du pays.
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