Cet article date de plus de six ans.

Cameroun: le port de Douala, en grande difficulté, se débarrasse de ses épaves

Depuis le 4 juin 2018, les autorités camerounaises font procéder à l’enlèvement des épaves de vieux bateaux dans le port de Douala, le plus grand d’Afrique centrale. Un port essentiel pour l’économie du pays. Mais aujourd’hui sous-dimensionné, engorgé et ensablé.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Dans le port de Douala le 15 mars 2018 (Reinnier KAZE / AFP)

En février, le négociant français en bois tropicaux Rougier avait désigné «l'engorgement chronique» du port de Douala (capitale économique du Cameroun) comme une des causes de sa faillite. Aux dires de l’entreprise, citée par Géopolis, cet engorgement a «profondément perturbé (les) activités de (ses) filiales camerounaise, congolaise et centrafricaine». Résultat: des stocks «significativement grossis du fait de la non-évacuation des expéditions d'un port complètement saturé qui ne fait l'objet d'aucun investissement et qui par ailleurs est considérablement ensablé, ce qui gêne les bateaux pour aller jusqu'aux quais prendre les colis à expédier.» Le groupe français s’en était pris directement aux autorités de Yaoundé qui n’étaient pas, selon lui, impliquées «pour améliorer cette situation»

«La faillite du groupe Rougier ne saurait incomber au port de Douala, où les opérations logistiques du commerce extérieur se déroulement normalement», avait alors réagi le directeur général de l’équipement, Cyrus Ngo'o.

«Encombrante présence»
Mais aujourd’hui, ce dernier a changé de discours… «Le chenal, les plans d'eau, les quais et les darses vont être dépouillés de l'encombrante présence des épaves et autres engins flottants qui faisaient partie du décor de notre port», explique désormais Cyrus Ngo'o dans un dossier de presse des autorités portuaires, cité par l’AFP.

«Depuis plus d'une trentaine d'années, les épaves (...) ont toujours constitué un obstacle majeur à l'attractivité et à la compétitivité du port de Douala», indique le dossier de presse.

Selon un cadre de l’infrastructure portuaire, cité par le site afrik.com, outre les risques d’accidents pour la navigation, la présence de ces navires abandonnés entraîne des pertes liées à «l’inexploitation de pans entiers des plans d’eau, des quais et des darses occupés par des épaves». A tel point que les quais d’attache des bateaux de la marine militaire camerounaise «sont inexploitables», ce qui entraînerait «une perte annuelle estimée à 1,2 milliard francs CFA» (1,82 million d’euros).

Vue du port de Douala prise du navire militaire français «Dixmude» le 3 décembre 2013.  (FRED DUFOUR / AFP)

«Port de l’angoisse»
Au total, 80 épaves de bateaux encombrent la zone portuaire et entravent la navigation.
 
Dans un premier temps, 25 d’entre elles, présentées comme «les plus dangereuses», seront enlevées. Les travaux devraient durer huit mois. Ils ont été confiés à une entreprise italienne, Bonifacio, pour un montant 4,7 milliards de francs CFA (un peu plus de 7 millions d'euros).
 
L’opération est rendue compliquée par le fait que la majorité des bateaux abandonnés «ont plus de 50 ans» et sont susceptibles de contenir de l'amiante, substance hautement toxique, selon un des responsables chargé de l'enlèvement des vieilles carcasses. Ils peuvent aussi contenir des hydrocarbures.

Outre ses problèmes d’engorgement et d’ensablement, le port de Douala se caractérise par la vétusté de ses infrastructures. Il est aussi touché par la corruption et les tracasseries administratives. En 2014, Jeune Afrique n’hésitait pas à parler de «port de l’angoisse»

De plus, ses infrastructures sont aujourd’hui sous-dimensionnées pour le trafic actuel. Elles étaient au départ construites pour «sept millions de tonnes de marchandises» par an, selon Cyrus Ngo'o. Lequel note qu'aujourd'hui, que ces infrastructures drainent «une moyenne de douze millions» de tonnes», rappelait Géopolis en mars. Pourtant, le port est hautement stratégique pour le Cameroun: plus de 95% de son trafic maritime passe par Douala. Il constitue le principal débouché pour les pays d'Afrique centrale enclavés, comme le Tchad et la Centrafrique.

A l’avenir, il risque d’être concurrencé par la mise en service, en mars, du port en eau profonde de Kribi (130 km au sud). Mais aussi par le projet de construction d’un équipement portuaire, là encore en eau profonde, sur la presqu’île de Banana en RDC (à 745 km plus au nord). Les difficultés de Douala ne font peut-être que commencer…

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.