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L'industrie des phosphates en Tunisie: un baromètre de la situation sociale
L’exportation de phosphates est un secteur clef de l’économie tunisienne. La Compagnie des Phosphates de Gafsa (CPG), qui a le monopole de la production, est aussi l’un des gros employeurs du pays. L'entreprise publique est ainsi une variable d'ajustement en matière d'emploi. Et sa situation est en quelque sorte le baromètre économique et social du pays.
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«La production de phosphate de la Tunisie était totalement à l'arrêt le 1er février 2017 en raison des manifestations qui agitent le pays», a déclaré un responsable de la société publique Compagnie des Phosphates de Gafsa (CPG), l'unique producteur du pays. Motif: «Des sit-ins de jeunes qui réclament des emplois à la CPG», a déclaré à Reuters le responsable de la société, Ali Houchati. Selon lui, les stocks sont pratiquement vides.
Le 24 janvier 2018, un jeune a tenté de s’immoler par le feu à Metlaoui dans la région de Gafsa (sud-ouest de la Tunisie), a annoncé le site de l’agence turque Anadolu. Un signe de protestation contre les résultats d’un concours de recrutement de 1700 agents (pour 12.400 candidats), organisé par la CPG, dans le bassin minier de Gafsa. Un symbole très fort quand on sait que l’immolation par le feu d’un marchand ambulant, Mohamed Bouazizi, le 17 décembre 2010, est à l’origine des manifestations qui devait entraîner, moins d’un mois plus tard, la fuite du dictateur Ben Ali.
Concours
Dans la nuit du 20 au 21 janvier 2018, des manifestants avaient bloqué la route entre Medhilla et Moulares, non loin de Gafsa. Là encore, ils contestaient les résultats du concours de la CPG, l’accusant de «manque de transparence». L’armée était intervenue.
L'affaire a pris une tournure politique: un député a appelé les autorités à «ouvrir une enquête sérieuse et transparente» sur ce concours, dont les résultats sont «malhonnêtes», selon lui. De son côté, l'entreprise a expliqué qu'elle avait «fait tout ce qu'il fallait pour garantir l'impartialité et la transparence des procédures».
Ce concours est une garantie d’embauches pour une population durement frappée par le chômage dans l’une des régions les plus déshéritées du pays, même si son sous-sol est riche en phosphates. Un minerai, composant essentiel des engrais agricoles, dont la Tunisie a été longtemps l'un des principaux producteurs mondiaux. Et dont l’exportation constitue une importante source de devises étrangères pour le pays. Sa production est régulièrement perturbée par des grèves.
La CPG est un important employeur en Tunisie. Notamment à Gafsa. Pour la fin de 2015, le site de la compagnie faisait état d’«un effectif de 6682 agents».
Selon d'autres chiffres cités par une étude, «la CPG a augmenté ses effectifs depuis la Révolution de 2011 pour passer de 4898 à 7036 employés en 2014, sans compter les 1600 emplois créés pour le transport minier et les quelque 4700 agents recrutés par les sociétés d’environnement affiliées à la CPG et créés après la Révolution». L'entreprise a fait savoir, par l'intermédiaire du site africanmanager.com, qu'elle avait dû embaucher «2600 personnes sur la base de "critère sociaux" en 2012 et 2013»...
Augmentation des effectifs et lutte contre le chômage
Autrement dit, poursuit l’étude, «la CPG gère une part importante du volet économique et social du pays mais surtout de la région du bassin minier». Conclusion: les pouvoirs publics l’ont apparemment utilisée pour combattre le chômage, qui s’élevait fin 2017 à plus de 15% de la population active.
Pour autant, ces embauches ne garantissent pas forcément un surcroît de productivité pour la compagnie. Si l’on traduit en pourcentage des données citées par le site Webdo, il en ressort que 44% des salariés de la CPG «seraient véritablement actifs». Dans ce contexte, le déficit de la société publique s’élevait à 6,5 milliards de dinars (2,2 milliards d’euros), selon le site. Et d’ajouter: «la CPG ne tient encore debout que grâce aux garanties apportées par les pouvoirs publics alors que le budget de l’Etat s’enfonce actuellement dans la spirale du déficit.»
Un exemple du «mal tunisien», tel que décrit par le Fonds monétaire international? «Une meilleure gestion de la masse salariale (du secteur public), qui est parmi les plus élevées au monde et absorbe la moitié des dépenses publiques, sera indispensable», pouvait-on lire, en octobre 2017, dans un communiqué du FMI. «Quelque 20% des travailleurs (tunisiens) ont un emploi dans le secteur public: leurs salaires représentent près de 14% du PIB», précise l'hebdomadaire britannique The Economist (lien payant). Reste que si ces salariés ne travaillaient pas pour l’Etat ou une entreprise publique, ils contribueraient à gonfler un peu plus les chiffres du chômage. Un véritable dilemme pour les dirigeants tunisiens.
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