Egypte : prison ferme pour des journalistes et répression tous azimuts
Sept ans de prison ferme pour chaque journaliste. Le journaliste égypto-canadien Mohamed Fadel Fahmy, chef du bureau d'al-Jazira avant que la chaîne ne soit interdite en Egypte, son confrère australien Peter Greste et l'Egyptien Baher Mohamed, qui ont été condamnés pour soutien à «une organisation terroriste», étaient détenus depuis près de 160 jours. Le journaliste égyptien a en plus écopé de trois ans pour «détention d’armes».
Dans cette affaire, neuf autres accusés dont deux journalistes étrangers – jugés par contumace – ont été condamnés à 10 ans de prison.
Al-Jazira fermée en Egypte
Le bureau d'al-Jazira en Egypte a fermé le 3 juillet 2013, jour de la destitution de l'ancien président élu Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans. La chaîne paye le fait d'être financée par le Qatar, monarchie du Golfe soutenant la confrérie, déclarée fin 2013 «organisation terroriste» en Egypte.
«La fermeture des médias audiovisuels et des journaux jugés proches des Frères musulmans et d’autres courants islamistes et la poursuite des journalistes d’al-Jazira (...) sont des indices révélateurs d’un Etat qui ne connaît pas de frontières dans sa détermination à mater la contestation. Ce sont ces pratiques qui ont amené le Comité pour la protection des journalistes à désigner l’Egypte parmi les trois pays les plus meurtriers pour les journalistes en 2013», explique Eric Goldstein, directeur-adjoint de la division Moyen-Orient à Human Rights Watch.
Même son de cloche pour Reporters sans Frontières : «Non contentes de criminaliser toute opposition politique, les autorités égyptiennes poursuivent leur politique de musèlement des médias qui souhaiteraient donner une vision de la réalité différente de celle du pouvoir.»
Des peines de morts par dizaines
Le 21 juin, un tribunal égyptien a confirmé les peines de mort rendues contre le chef de file des Frères musulmans, Mohamed Badie, et 182 de ses partisans. étaient jugés pour leur rôle présumé dans des violences survenues en juillet à Minya dans le sud de l'Egypte, peu après la destitution de Mohamed Morsi. Un policier avait péri dans ces violences.
Le même tribunal avait déjà confirmé en avril la condamnation à mort de 37 partisans des Frères musulmans dans le cadre d'une autre affaire pour laquelle 529 peines capitales avaient initialement été prononcées.
La confirmation des peines de mort a été annoncée deux semaines après l'investiture d'Abdel Fattah al Sissi à la présidence égyptienne, dans la foulée de son élection fin mai avec plus de 96% des suffrages exprimés.
Sur les 683 personnes jugées, hormis les peines de mort prononcées, quatre ont écopé d'une peine de prison à vie et 496 autres ont été acquittées. Une centaine de prévenus sont en détention, les autres étaient jugés par contumace.
Répression contre la gauche
Le régime ne s’attaque pas qu’aux journalistes ou aux soutiens réels ou supposés des Frères musulmans, mais aussi aux militants de gauche. Alaa Abdel Fattah, un des leaders de la révolte qui a chassé du pouvoir le président Hosni Moubarak début 2011, ainsi que 24 autres personnes reconnues coupables d'avoir participé à des manifestations illégales, ont été condamnés à 15 ans de prison.
Il avait déjà été arrêté en novembre pour violences lors d'une manifestation non autorisée avant d'être libéré sous caution en mars. Il était poursuivi pour avoir enfreint la loi controversée limitant le droit de manifester. ils ont été accusés d'avoir volé à un policier des talkies-walkies lors d'une manifestation en novembre, qui dénonçait les pouvoirs de plus en plus importants octroyés à l'armée dans le projet de constitution, adoptée deux mois plus tard.
Les Américains ont accepté le nouveau régime, ne parlant jamais de «coup d’Etat» à propos du renversement du président Morsi. Washington, qui avait un temps gelé son aide financière, vient finalement de débloquer un peut plus d’un demi-milliard de dollars pour des contrats de défense et devrait rapidement livrer des hélicoptères de combat. En visite au Caire, John Kerry se dit intéressé par l'idée de travailler en «collaboration étroite» avec le nouveau gouvernement «pour que la transition se déroule de la façon la plus rapide et la plus fluide possible».
Depuis l'arrivée au pouvoir de l'ex-chef de l'armée Abdel Fattah al-Sissi, la répression a fait plus de 1.400 morts et quelque 15.000 personnes ont été arrêtées.
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