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Ryad ferme le robinet du pétrole à l’Egypte après son vote sur la Syrie à l’ONU

L'Egypte a lancé des appels d'offre pour son approvisionnement en pétrole après la suspension surprise par le géant pétrolier saoudien Aramco de la livraison de 700.000 tonnes de produits pétroliers. Ryad ne décolère pas contre le vote de l'Egypte à l'ONU en faveur d'une résolution russe sur la Syrie.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le roi Salman d'Arabie Saoudite et le président égyptien al-Sissi. (Pool / Egypt Presidency / ANADOLU AGENCY/AFP)

Le dossier syrien a mis à mal les relations privilégiées entre Ryad et Le Caire. Objet du litige: le vote de l’Egypte, samedi 8 octobre 2016, en faveur d'une résolution de la Russie sur la Syrie mettant son veto sur un autre texte présenté par la France avec le soutien saoudien. Ryad soutient des groupes d'opposition à Bachar al-Assad, alors que Le Caire croit en une solution politique qui inclut le président syrien. Première mesure de rétorsion: la décision surprise de Ryad de suspendre ce mois-ci la livraison de produits pétroliers au Caire, pourtant vitale. Une décision qui a obligé l'Egypte à lancer des appels d'offre pour son approvisionnement en pétrole pour le mois d’octobre.

 
Houthis, Assad, Russie, les raisons de la colère saoudienne
Les tensions s'accroissent entre l'Egypte et l'Arabie Saoudite, alliés et poids-lourds du Moyen-Orient, qui n'hésitent plus à afficher publiquement leurs désaccords sur plusieurs dossiers régionaux comme la Syrie. En fermant le robinet du pétrole, officiellement pour le mois d'octobre seulement, Ryad veut rappeler au Caire sa dépendance: l’Egypte importe chaque mois 1,75 million de tonnes de produits pétroliers, dont 40% en provenance d'Arabie Saoudite. Pourtant, en avril 2016, Ryad avait passé un accord de plus de 20 milliards de dollars avec l'Egypte pour la fourniture, sur cinq ans, de 700.000 tonnes de produits pétroliers par mois.
 
Les deux capitales ne partagent pas la même analyse sur la stratégie pour mettre fin aux conflits en Syrie et au Yémen. «On parle toujours d'alliance stratégique entre Le Caire et Ryad. Ce n'est pas la réalité. Une alliance stratégique, ça signifie une entente en ce qui concerne les dossiers régionaux. Ce n'est pas le cas pour la Syrie et le Yémen», tranche le commentateur politique égyptien Abdallah al-Sinawi.


Yémen, l’ex-Vietnam de l’Egypte
L'armée égyptienne participe officiellement depuis 2015 à la coalition lancée par l'Arabie Saoudite pour lutter contre les Houthis au Yémen. Elle s'est même engagée à mettre des troupes à disposition pour une intervention au sol si nécessaire. Sur le terrain, elle est de plus en plus réticente. «L'Egyte évite de s'impliquer, en raison de son expérience difficile dans les années soixante», rappelle Abdallah al-Sinawi, en référence à l'intervention militaire au Yémen ordonnée par Gamal Abdel Nasser, considérée comme un «Vietnam égyptien». Derrière les Houthis chiites, l’Arabie Saoudite voit la main de Téhéran. «Le Caire ne voit pas la menace posée par les Iraniens», se désole le journaliste et analyste saoudien Jamal Khashoggi.


Manœuvres militaires avec la Russie
Les armées égyptienne et russe vont mener pour la première fois des exercices militaires conjoints sur le sol égyptien du 15 au 26 octobre. Ces manœuvres renforcent le rapprochement entre Moscou et Le Caire. En se rangeant symboliquement dans le camp des partisans du président syrien Bachar al-Assad, l'Egypte a pris ses distances avec l'Arabie Saoudite, qui a tenu financièrement à bout de bras le gouvernement d'Abdel Fattah al-Sissi depuis que celui-ci a renversé il y a trois ans le président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans. 


Cherche touristes russes désespérément
L'Egypte tente de convaincre la Russie de reprendre les vols commerciaux entre les deux pays, suspendus depuis l'attentat qui a détruit en 2015 un avion de ligne russe au-dessus du Sinaï, tuant les 224 personnes à bord. Le tourisme est vital pour l'économie égyptienne, au plus mal depuis le soulèvement contre le président Hosni Moubarak en 2011. Les Russes faisaient partie des rares vacanciers à se rendre en Egypte ces dernières années.

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