Élections au Kenya : la peur silencieuse des habitants de Kibera, l'épicentre des violences post-électorales de 2007
Au Kenya, des élections générales se tiennent mardi, 10 ans après les violences post-électorales de 2007 qui avaient fait 1 200 morts. Le bidonville de Kibera, à Nairobi, avait été l’épicentre des violences. Et le traumatisme est toujours là.
Dix ans après les pires violences électorales de l'histoire du Kenya, près de 20 millions de Kényans sont appelés aux urnes mardi 8 août pour les élections générales. Ils doivent élire leur président, leurs gouverneurs, députés, sénateurs, élus locaux et représentantes des femmes à l'Assemblée. Le pays est considéré comme l’une des principales démocraties d'Afrique et les résultats seront regardés de près partout sur le continent. Mais ces élections s'annoncent tendues et serrées. En 2007, le bidonville de Kibera, à Nairobi, a été l’épicentre des violences qui avaient fait 1 200 morts et mis en danger l'équilibre du pays.
C'est le matin. Kibera est réveillé. Le soleil est déjà haut au-dessus de la mer de tôles ondulées. Des enfants jouent dans des ruelles de boue entre des tas d'ordures. Le bus, musique à fond, emmène les habitants au travail. Kibera est le bidonville le plus pauvre de la capitale et l’un des plus étendu du continent : près de 200 000 Kényans y vivent.
Derrière le calme, il y a le souvenir, les mauvais souvenirs, ceux qu'on n'oublie pas. Comme ceux de Douglas Namale qui a vu son quartier partir en fumée à l'époque. "Kibera était en feu. Partout, il y avait des blessés, des commerces pillés, des femmes violées, raconte-t-il. Moi-même, j'ai vu cinq corps jetés dans une tranchée. Ils étaient découpés avec des entailles partout, à la tête, aux jambes..."
Ici, tellement de monde a vécu des choses horribles. Le traumatisme est encore là.
Douglas Namale, habitant de Kiberaà franceinfo
Mais en dix ans, le bidonville a changé, Douglas le reconnaît. Aujourd'hui, il y a des travaux partout, des pelleteuses, des câbles électriques, des conduits d'égout, des routes goudronnées, la 3G ou encore des bornes automatiques pour payer ses factures.
Kibera s'est développé, et même "gentrifié" selon Joshua Ogure, de l'ONG Map Kibera. "Vous seriez très surpris si vous visitiez certaines maisons à Kibera. Même loin à l'intérieur du bidonville, assure Joshua Ogure. On trouve maintenant ici des gens riches qui vivent une vie confortable avec de grandes télévisions à écran plat, des tapis très chers, des frigos. À Kibera, le coût de la vie a beaucoup augmenté ces dernières années. Dans certains endroits, le loyer a doublé et on paie aujourd'hui 100 à 200 euros par mois pour une maison."
Des tentatives d'apaisement
Ces derniers jours, les ONG organisent des groupes de discussions, des concerts, des marches, des prières pour la paix... Personne ne sait si cela sera suffisant. Ici, chaque communauté vit de son côté et se croise de moins en moins. Des milices seraient même en train de se reformer et des tracts haineux auraient été distribués si l'on en croit Ben Okoo, un militant pour la paix à l'ONG Amani Kibera. "Par bien des aspects, ces élections nous rappellent celles de 2007. Les commerces ne renouvellent pas leurs stocks, les habitants quittent en masse le bidonville. Si vous allez au terminal de bus aujourd'hui, vous aurez du mal à trouver un ticket pour quitter Nairobi."
Il y a une sorte de peur silencieuse à Kibera aujourd'hui. Un calme vraiment très bizarre.
Ben Okoo, de l'ONG Amani Kiberaà franceinfo
Kibera ira voter mardi mais ensuite tout le monde retournera à la maison. Dans ce grand bidonville de Nairobi, on fermera les portes et les volets en attendant anxieusement le résultat du scrutin.
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