En Afrique, le boom du téléphone portable dope l'économie
L’Afrique est devenue le deuxième marché mondial de la téléphonie derrière l'Asie. C'est le marché qui connaît le plus fort de taux de croissance depuis dix ans : soit 30% par an en moyenne, rappelle le site Inaglobal. Le nombre d'abonnés pourrait atteindre le milliard en 2015.
Le téléphone mobile dépasse nettement le fixe. En 2008 déjà, on comptait sept fois plus de connectés au mobile que de lignes fixes, selon Africa Next. Preuve du développement de ce secteur, les résultats de la société de téléphonie mobile sud-africaine MTN montrent l’ampleur de la progression sur le continent. «Au cours du premier semestre 2013, notre nombre d'abonnés à augmenté de 6,5%, atteignant 201,5 millions», affirme l’opérateur sud-africain qui espère gagner 21 millions de nouveaux abonnés en 2013.
Cette «terre promise» du numérique aurait un taux de pénétration du mobile d’au moins 60% (soit moins que la moyenne du reste du monde qui est de 90%, selon GSMA). Ces chiffres masquent une grande diversité selon les pays et les chiffres bruts doivent prendre en compte le poids de la jeunesse. Un poids bien plus élevé que dans les pays européens, notamment. Le site Lesafriques estime ainsi que le taux de pénétration du mobile au Kenya est proche de 100% chez les 15-64 ans : «Au Kenya, le nombre d’abonnés au mobile s’établissait en juin 2010 à un peu plus de 20 millions. Si l’on reporte ce chiffre au nombre total de personnes entre 15 et 64 ans (soit 20.685.000, selon le recensement de 2009), on frôle un taux de pénétration de l’ordre de 100%.». Avec le même calcul, le taux de pénétration au Ghana serait de 60%.
L’Afrique c’est 54 pays. GSMA (Organisation des opérateurs de téléphonie mobile) estime que 25 pays font la course en tête dont le Nigéria (qui compte quelque 100 millions d'abonnés), l’Egypte et l’Afrique du Sud. Le succès est en partie dû à la politique des opérateurs qui, «plutôt que de réaliser une marge élevée sur un petit nombre d’utilisateurs, ont privilégié un nouveau modèle, basé sur la réalisation d’une faible marge sur un nombre élevé d’abonnés, avec une politique commerciale adaptée à la faiblesse des revenus», selon Annie Chéneau-Loquay.
Les causes du succès
L'une des causes du développement du téléphone mobile en Afrique s'explique paradoxalement par la faiblesse du... téléphone fixe. Le développement du mobile nécessite moins d'investissement, notamment dans les régions denses. Résultat, le téléphone mobile a pu se déployer rapidement, sautant l'étape des lignes fixes.
Les opérateurs ont su aussi s'adapter au marché africain. Ils ont notamment compris que les cartes pré-payées étaient le bon moyen pour attirer de nouveaux clients. Le prépaiement serait utilisé par plus de 90% des consommateurs. A partir de là, les opérateurs ont multiplié les expériences et les systèmes pour faciliter le paiment du téléphone à partir de toutes petites sommes : recharge de crédit en ligne, de téléphone à téléphone, transfert de crédit d'un usager à l'autre via texto, taxation à la seconde... Possibilité de biper son interlocuteur pour que ce soit lui qui appelle... Le coût de l'abonnement reste encore un obstacle à un développement massif du mobile.
La production locale tente aussi de se faire une place au soleil, en jouant notamment sur le prix. Comme la société congolaise VMK. Son fondateur Verone Mankou tente de lancer un smartphone adapté au continent. Un smartphone, pensé au Congo et monté en Chine, dont le prix est d'environ 90 euros.
La créativité des services
«Aujourd’hui, le mobile permet d’apporter des services bancaires, administratifs, médicaux, scolaires, entrepreneuriaux... aux Africains, dont 60% vivent dans des zones rurales», rappelait RFI.
Un des exemples les plus remarquables se trouve au Kenya où le paiement en ligne rencontre un véritable succès. «M pour "mobile", PESA pour "argent" en langue swahili : le système M-PESA a été développé entre 2003 et 2006 pour le compte de Safaricom, opérateur de téléphonie mobile kenyan», raconte le site envoidargent. Preuve du succès de ce système, M-Pesa compte aujourd'hui plus de 14 millons d'utilisateurs et 7 milliards de dollars ont transité par ce service en 2010. Maintenant, 75% des adultes ont accès au système financier contre à peine 20% en 2006.
Autre exemple de créativité
Francis Pisani, pionnier des technologies de l'information, racontait dans Le Monde comment au Kenya «une poignée de geeks et d'activistes kenyans s'étaient dotés d'Ushahidi, une plate-forme open source permettant à tout citoyen de signaler des fraudes lors du dépouillement du scrutin présidentiel. Bel exemple de la puissance du crowdsourcing, l'externalisation ouverte, Ushahidi (témoignage en swahili) a été utilisée 25.000 fois dans le monde depuis sa création».
Un moteur pour la croissance
Toujours dans Le Monde, Francis Pisani citait François Bar, professeur de communication à l'université de Californie du Sud, qui a participé à plusieurs recherches sur le sujet. Ce dernier affirme pour sa part que «la plupart des études montrent que l'introduction de la téléphonie mobile transforme les structures économiques et sociales. Elle rend plus efficaces les échanges existants et permet d'introduire de nouvelles formes d'organisation et de transaction».
«L'enthousiasme du continent africain pour la technologie stimule la croissance», remarquait l'hebdomadaire britannique The Economist en décembre 2011.
Après le succès du mobile, l'Afrique a un autre défi à relever, celui du haut-débit. Le nombre d'abonnés à Internet est encore très faible. Il serait de 6% contre une moyenne de 40% ailleurs, selon la BAD (Banque africaine de développement). Les coûts d'abonnement sont encore très élevés, selon Jeune Afrique.
«En dépit de l’augmentation du nombre d’internautes et de la percée des entrepreneurs du net, l’Afrique connaît un important retard dans le domaine de l’internet à haut débit. Les coûts de connexion à l’ADSL notamment y demeurent élevés, les infrastructures (lignes de cuivre, connexion aux câbles marins, couverture satellitaire) inadéquates ou manquantes», précise Oeil d'Afrique. Pourtant, selon Archippe Yepmou, président d'Internet Sans Frontière, «en Afrique sub-saharienne, tous les ans à peu près, le nombre de personnes connectées à internet double. On estime qu’en 2015, 50% des populations seront connectées à Internet, essentiellement via mobile». Il est vrai que les investissements sont massifs, avec notamment la connection de l'Afrique au réseau mondial (câbles sous-marins). De quoi donner de nouvelles armes à l'économie africaine.
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