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Les barrages, réservoirs de paludisme en Afrique

Les barrages alimentent en eau et en électricité des millions d'Africains. Une étude montre qu'ils sont aussi les pires alliés du paludisme, provoquant jusqu'à 1,7 million de cas annuels.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
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Temps de lecture : 3min
Vue aérienne du barrage de Kariba et de son lac de retenue sur le fleuve Zambèze. Le lac est partagé par la Zambie et le Zimbabwe. (GUILLEM SARTORIO / AFP)

Les barrages hydrauliques sont-ils à la fois, la meilleure et la pire des choses ? Une étude menée en Afrique sur quatre grands bassins fluviaux leur impute entre 0,9 et 1,7 million de nouveaux cas de paludisme chaque année. Or le continent africain représente 94% des 400 000 décès annuels dus à la maladie. L’Afrique "supporte une part disproportionnée de la charge palustre mondiale", affirme l’OMS.

Les barrages sont pourtant indispensables pour assurer la fourniture en eau et en électricité de nombreuses régions. D’ailleurs les constructions et les projets ne manquent pas à travers le continent. L’étude a porté sur quatre grands fleuves d’Afrique subsaharienne : la Volta en Afrique de l’Ouest, le Limpopo et le Zambèze en Afrique australe, et le bassin de l’Omo-Turkana en Afrique de l’Est.

Plus de 5000 barrages sur 4 fleuves

Les chercheurs y ont ainsi répertorié 4907 petits barrages et 258 grands barrages autour desquels vivent quinze millions d’habitants, à une distance de moins de 5 kilomètres du réservoir de retenue. 5 km étant la distance de vol maximale que peut effectuer un moustique.
Puis ils ont recherché pour ces zones retenues, le nombre de cas de paludisme enregistré pour les années 2000, 2005, 2010 et 2015 dans la base de données du Malaria Atlas Project.
"L'impact global des barrages – grands et petits sur la transmission du paludisme est beaucoup plus important qu'on ne le pensait auparavant", explique Matthew McCartney, co-auteur de l’étude. Selon les années, le nombre de nouveaux malades dans les régions étudiées peut atteindre 1,7 million de cas.

Les petits barrages les plus impactants

L’autre apport de l’étude est d’imposer une nouvelle hiérarchie. Jusqu’alors, seuls les grands barrages étaient largement étudiés pour leur impact tant sanitaire qu'environnemental. Le barrage sur la Volta au Ghana, créant le plus grand lac artificiel au monde (550 km de long), a ainsi été accusé d'avoir créé des habitats de reproduction pour les principaux moustiques du paludisme dans la région.

Le lac de barrage de Pouni au Burkina Faso. Une retenue artificielle afin d'assurer des réserves d'eau pour l'agriculture. (PHILIPPE ROY / PHILIPPE ROY)

Or, s’ils sont moins destructeurs en termes d’écologie, les petits barrages sont, selon l’étude, responsables chaque année d’environ 80% des nouveaux cas de paludisme dans les quatre bassins versants retenus. Leur plan d’eau est certes plus réduit et ne dépasse pas 100 hectares. Mais la multiplication de ces réservoirs où l’eau ne court plus, en fait un allié essentiel du moustique pour sa reproduction.

12,5 millions de personnes concernées

D’autant que, dans le même temps, la population occupe plus aisément les rives de ces lacs, généralement plus faciles d’accès que pour les grands barrages. "La plupart des petits barrages sont construits pour l'irrigation à petite échelle et l'abreuvement du bétail et doivent donc être situés à proximité des communautés", expliquent les chercheurs. Dans l’étude, 12,5 millions de personnes sur 15 millions vivaient près d’un petit barrage.

Les auteurs de l’étude n’apportent aucune solution pour traiter le problème. Ils demandent, dans un contexte de construction tous azimuts, aux décideurs et aux gestionnaires de ces barrages de prendre la mesure de l’enjeu. Il s’agit donc de contrôler et d’entretenir ces zones aquatiques afin d’éviter la prolifération des moustiques. Car  "les populations humaines augmenteront toujours vers les plans d’eau", conclut l’étude.

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