Radio Erena : au nom de la liberté de la presse en Erythrée !
Il figure dans les 100 héros de l’information répertoriés par Reporters sans frontières. Biniam Simon est né en 1972 et a grandi à Asmara, la capitale de l’Erythrée. Il a travaillé pour la télévision publique entre 1992 et 2006 où il a occupé plusieurs fonctions qui ont fait de lui un homme de média expérimenté devant et derrière la caméra.
Le présentateur du journal de la télévision publique a fui son pays pour la France, où il est arrivé en janvier 2007 afin d'éviter une arrestation. Paris accueille Radio Erena, («Notre Erythrée» en tigrigna, langue officielle du pays), depuis le 15 juin 2009. Elle est disponible par satellite et sur Internet.
L’Erythrée est le dernier du classement de Reporters sans frontières (RSF), qui mesure la liberté de la presse dans le monde. Quelle est la situation aujourd’hui dans votre pays?
Rien n’a changé en Erythrée. La situation reste toujours aussi tendue. Il n’y a pas de média indépendant. Les seuls organes de presse sont gouvernementaux. Les journalistes qui y travaillent sont menacés chaque jour. Effectivement, certains de nos collègues ont été libérés mais ils n’ont jamais été jugés et on ne leur a jamais signifié les crimes qu'ils avaient commis. Tout simplement parce qu’il n’y avait a priori aucune raison de les emprisonner. De fait, il y a encore de nombreux journalistes qui croupissent dans les geôles érythréennes («au moins 16», selon RSF, NDLR).
Radio Erena est l’incarnation de votre bataille pour la liberté de la presse dans votre pays. En exil, vous avez décidé de créer ce média. Qu’est-ce qui vous a conduit à vous lancer dans cette aventure risquée ?
J’ai décidé de retrouver mon métier de journaliste, ma passion, dès que j’ai obtenu l’asile politique en France. Quand on est un journaliste érythréen, on aspire à travailler pour un média fiable et indépendant. Ce qui n’existe pas chez nous. Pourquoi donc ne pas en créer un ? J’ai ainsi commencé à travailler sur un projet avec Léonard Vincent, qui était à l’époque chef du bureau Afrique de RSF.
Les ressources financières nécessaires nous ont été fournies aussi bien par des particuliers que des institutions. Mais la mise en place d’une rédaction fut plus ardue. Beaucoup de journalistes érythréens vivent en Europe et dans d’autres pays occidentaux. Cependant, la plupart ont peur d’exercer leur profession parce qu’ils ont encore de la famille en Erythrée. Aujourd’hui, les défis de Radio Erena sont liés aux ressources humaines et financières. En outre, il est presque impossible de rentrer en contact avec nos collègues érythréens qui sont sur place. Par conséquent, il est toujours compliqué d’obtenir les informations à temps.
Emettez-vous exclusivement en Tigrigna?
Le tigrigna est la langue officielle de l’Erythrée et plus de 70% de la population peut ainsi suivre nos programmes. Nous avons également des émissions en arabe. Mais, en ce moment, nous rencontrons quelques difficultés en ce qui les concerne.
La censure vous a obligés à changer de satellite. Quelles sont les difficultés que vous rencontrez, y compris les menaces dont vous et vos collègues faites l’objet?
Nous étions effectivement disponibles via Arabsat jusqu’à ce que le signal soit brouillé par le gouvernement erythréen. Nous avons dû migrer vers Nilesat. Le ministère érythréen de l’Information est à l'origine de ce piratage. Le brouillage a duré pendant plusieurs mois. Les menaces des autorités érythréennes ont commencé dès le lancement de la radio et elles perdurent depuis. Pour ma part, c’est un bon retour.
Quelle est votre audience en Erythrée et au sein de la diaspora?
Nos auditeurs sont principalement en Erythrée parce que la diaspora a accès à une multitude de médias. Nous restons pour nos compatriotes l’unique source d’information indépendante.
Quels sont vos espoirs et projets pour Radio Erena?
J’espère que la grille de Radio Erena s’étoffera encore plus grâce à la contribution d’autres journalistes, que nous émettrons dans d’autres langues et que nous deviondrons également une radio est-africaine. Tous les pays de la sous-région connaissent le même problème que l’Erythrée en matière d’information et de liberté de la presse.
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