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A Madagascar, le billet de 20.000 ariary fait craindre une hausse de l'inflation

Lundi 17 juillet 2017, la Banque centrale de Madagascar a mis en circulation un nouveau billet de 20.000 ariary, la coupure la plus élevée de la Grande Île (environ 6 euros). Une décision polémique dans un pays où plus de 90% de la population vit avec moins de 2 dollars par jour.
Article rédigé par Gerard Maider
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Lundi 17 juillet 2017, des billets de 20 000 ariary ont été mis en circulation à Madagascar. Une nouvelle coupure qui fait craindre une dévaluation de la monnaie locale.

Après la mise en circulation du billet de 10.000 ariary en 2003, c’est celui de 20.000 qui a fait son apparition à Madagascar le 17 juillet 2017. Ce billet, le plus élevé en circulation, équivaut à 6 euros. Même si ce bout de papier bleu, jaune et rouge met à l’honneur la flore de la Grande Île avec des dessins de vanille, de cacao et de litchi, la plupart des Malgaches ne sont pas ravis par l'apparition de cette nouvelle coupure.  

9 malgaches sur 10 sous le seuil de pauvreté
C’est à la faveur du renouvellement des billets de 2.000, 5.000 et 10.000 ariary que la Banque centrale de Madagascar a décidé d'introduire celui de 20.000 ariary. Elle affirme qu'il s'agit d'«une mesure pour s’adapter à la réalité économique et sociale du pays». Mais quelle réalité ? En 2013, la Banque mondiale avait estimé que 9 Malgaches sur 10 vivaient sous le seuil de pauvreté. La majorité d’entre eux disposent de moins de deux dollars par jour pour vivre. Le billet de 20.000 ariary est donc bien éloigné du quotidien des habitants de Madagascar.

Déjà, certaines sociétés, notamment de transport, ont prévenu qu’elles n’accepteraient pas cette nouvelle coupure. Difficile de faire de la monnaie sur 20.000 ariary quand un ticket de bus en coûte 400. C’est le même problème sur les marchés locaux où deux ou trois bananes s'achètent entre 200 et 400 ariary.

« Parfois, mes ventes ne me rapportent même pas 20.000 ariary par jour, donc je ne vois pas l’intérêt [d’un billet de 20.000]. Déjà, avec le billet de 10.000 ariary, c’était difficile de rendre la monnaie aux clients », explique un marchand de la capitale, Antananarivo, cité par RFI. Cette coupure n’a donc apparemment pas d’intérêt pratique pour les citoyens.

Risque d’inflation
Certains Malgaches s’inquiètent aussi des effets pervers liés à l’arrivée de cette grosse coupure : son utilisation dans les trafics de minerais ou de vanille, par exemple, et surtout une flambée des prix. La Banque centrale du pays tente de rassurer en affirmant qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle mesure de dévaluation et que le pouvoir d’achat des Malgaches restera tel quel. Elle affirme que l’émission des nouveaux billets sera limitée, contrôlée pour éviter tout effet néfaste. Cependant, des économistes craignent un phénomène appelé «l'illusion monétaire».


Dans une analyse intitulée «Renouvellement et émission de nouveaux billets de banque à Madagascar», le Collectif des jeunes leaders malgaches, composé, entre autres, d'économistes, affirme que «l'émission de cette nouvelle coupure entraînerait une dépréciation de la monnaie nationale et une forte tension inflationniste». Rado Ratobison, enseignant chercheur en économie, estime que le billet de 20.000 ariary perdra rapidement de sa valeur réelle ce qui provoquera une baisse durable de la monnaie et une hausse généralisée du coût de la vie.

Le collectif alerte donc sur le risque de l'utilisation de cette monnaie à long terme. «A très court terme, les Malgaches vont croire à la valeur intrinsèque de la monnaie. Mais plus tard, ils découvriront une diminution de sa valeur réelle», prévient l'économiste. Il juge que l'apparition de ce nouveau billet est de mauvais augure pour l'économie malgache qui ne cesse déjà de dégringoler. 

7% d'inflation en 2017
Madagascar souffre déjà d’une inflation élevée: officiellement 6,7% en 2016. Pour 2007, la Banque centrale espère la maintenir à 7%. La monnaie est constamment dévaluée face aux devises fortes comme le dollar ou l’euro ce qui engendre de la misère, selon certains observateurs.

Le président de l'association FMI Malagasy expliquait à Géopolis en 2016 que la dévaluation de la monnaie intervenue en 1994 a contribué à l'extrême pauvreté dans le pays. «Malheureusement, la dévaluation ne s’est pas limitée à 100%. […] Elle a atteint 5.100%. Il n’y a plus de pouvoir d’achat. Et tant que les Malgaches n’auront pas un pouvoir d’achat décent, on ne pourra jamais remonter la pente», s’alarmait-il. Selon l’Unicef, environ deux millions d'enfants souffriraient de malnutrition. En 2014, l’île avait même connue une épidémie de peste, maladie moyenâgeuse.

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