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Mali : après la fin de l'opération Barkhane, la tentation russe

Alors qu'Emmanuel Macron a annoncé le 10 juin la fin de l'opération Barkhane au Sahel sous sa forme actuelle, Moscou veut se poser en alternative à la France dans la région. A Bamako, la capitale malienne, une intervention de la Russie divise. 

Article rédigé par franceinfo - Nathanaël Charbonnier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Des habitants de Bamako se réunissent régulièrement pour protester contre la présence française au Mali, et réclamer une intervention russe. Ici, le 27 mai dernier, drapeaux russes et maliens se mêlent lors d'une manifestation. (MICHELE CATTANI / AFP)

Ils se rassemblent régulièrement, les jeudis, devant l'ambassade russe, à Bamako. Les membres de la plate-forme Intervention Russie militent pour que Moscou s'implique dans les affaires maliennes. Comme à l'époque de la décolonisation, dans les années 60, quand Bamako s'était rapprochée de l'ex-URSS. 

Soixante ans plus tard, le regard de Sidi Traoré, membre de ce mouvement citoyen, se tourne à nouveau vers l'Est. "Nous voulons que la Russie vienne traiter nos problèmes sécuritaires, explique-t-il. Nous avons vu la coopération militaire russe avec d'autres pays, comme la Syrie, ou plus récemment la Centrafrique. Nous sommes convaincus que des militaires russes feront davantage que la France."

Sentiment anti-français

Des propos qui laissent sceptiques Boubacar Ba. Ce proche de l'imam Dicko, opposant au régime de l'ex-président malien Ibrahim Boubacar Keïta, très en vue lors des manifestations de 2020, rejette l'idée d'une intervention russe. "Nous assistons à une querelle géopolitique au Sahel, analyse-t-il. Le champ d'action classique de la Russie n'est pas le Sahel."  Selon Boubacar Ba, la tentation russe est alimentée par un sentiment anti-français. "Une partie de l'opinion malienne veut en découdre avec les autorités françaises, et trouve en Moscou une solution alternative. Mais c'est un saut dans l'inconnu." 

La présence française au Mali est régulièrement contestée dans les rues. Certains estiment que l'opération Barkhane et son objectif de lutter contre le terrorisme dans la région est un échec. Alors, pourquoi ne pas demander à un autre acteur d'intervenir ? 

Besoin d'alliés face aux terroristes

Le président du Parti socialiste malien, proche de l'ex-président IBK, Amadou Koïta, considère Moscou comme un allié potentiel. "Le Mali a des amis, que ce soit la France ou la Russie. Mais le Mali n'est pas un pays ingrat. Nous ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. Nous savons que 50 soldats français sont tombés ici [depuis 2013]. D'un autre côté, il est vrai que l'opération Barkhane pose problème aujourd'hui, parce que les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes. Nous avons besoin de tous les partenariats pour lutter contre le terrorisme."

C’est ainsi que la Russie se retrouve présente dans beaucoup d’esprits. Assimi Goïta, le nouveau président malien, aurait suivi des formations en Russie. Certains racontent même qu'il parle le russe.

Pour Michel Beuret, directeur éditorial de la fondation Hirondelle, une ONG suisse produisant des médias d'information sur des terrains de crise, notamment au Mali, les Russes sont déjà influents dans le pays. "Ils font de la désinformation, mais ce n'est pas aussi prégnant que ce que l'on peut voir en Centrafrique, décrit-il. Les Russes cherchent à s'installer sur le continent africain. Parce que les Chinois, les Américains, les Européens sont là."

Cette tentation russe existe donc bien au Mali, et notamment à Bamako, où se trouve une grande partie de la classe politique malienne. 

Au Mali, la tentation russe - Le reportage de Nathanaël Charbonnier

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