Cet article date de plus de six ans.

Iyad Ag Ghali, chef djihadiste et ex-bassiste de blues

Iyad Ag Ghali , «l'ennemi numéro de la France au Mali», titrait «Le Monde» le 28 juillet 2018. «Ce notable touareg, fin stratège, est devenu le chef incontesté du djihad au Sahel», ajoutait le quotidien. Donné pour mort en mars 2013 dans les combats au Nord-Mali, il prévient les «Croisés» qu'ils ne seront jamais en sécurité au Mali. Dans une autre vie, il était bien loin de la rigueur islamiste.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Iyad Ag Ghali à l'aéroport de Kidal (Mali) le 7 août 2012 (ROMARIC OLLO HIEN / AFP)

Iyad Ag Ghali s’est forgé une véritable légende, dont on ne peut pas forcément vérifier tous les éléments. Mais une chose semble sûre : il a eu un parcours assez sinueux…

L'homme passe aujourd’hui pour un djihadiste pur. Et surtout dur. Allié à Aqmi (Al Qaïda au Maghreb islamique), avec son ancien groupe Ansar Dine (Défenseurs de l'islam) et aujourd'hui Nusrat al Islam wal Muslimin, au Nord-Mali. Tandis qu’à la mosquée, le chef «se (tenait) au premier rang, il ne (serrait) plus la main à une femme, il (buvait) de l'eau et (refusait) tout contact avec les non-musulmans», raconte Le Figaro Magazine. Ce qui n’a pas empêché ses partisans de détruire des monuments islamiques.

Né en 1953 ou 1954 à Kidal, Iyad est issu de la grande tribu des Ifoghas, rappelle le chef touareg Shindouk Oulad Najim dans son livre Je reviendrai à Tombouctou. Pour de nombreux jeunes du Nord, il a incarné la cause touareg face à l’Etat malien contre qui il a participé à plusieurs révoltes. C’était alors «un grand guerrier», dit de lui Shindouk. Au début des années 80, il sert dans la Légion islamique du colonel libyen Kadhafi. Dans ce cadre, il se bat au Liban en 1982 aux côtés des Palestiniens, puis au Tchad pour renverser le président Hissène Habré, allié des Français.

Militants du groupe djihadiste Ansar Dine à Kidal (nord-Mali) le 16 juin 2012 (Reuters - Adama Diarra)

Revenu au Mali, Iyad Ag Ghali s’éloigne de la Libye. Il accepte de mener des discussions avec le pouvoir, soutenues par l’Algérie. Discussions qui aboutissent aux accords de Tamanrasset, garantis par Alger et signés le 6 janvier 1991. Certains murmurent qu’il serait alors devenu un agent algérien… Par la suite, le chef touareg aurait basculé vers le rigorisme islamiste au contact de prédicateurs pakistanais. A partir de 2003, il devient négociateur pour la libération d’otages occidentaux au Mali. «Il s’enrichira grâce à ses activités d’intermédiaire», précise Shindouk.

Un «grand fêtard»
En 2007, le président malien Amadou Toumani Traoré, dit ATT, le nomme consul à Djedda en Arabie Saoudite. Il y aurait fréquenté les islamistes les plus radicaux. A tel point que les Saoudiens l’expulsent trois ans plus tard  «Ils avaient capté des communications téléphoniques entre lui et des islamistes algériens», rapporte Shindouk.
 
Au Mali, l’ancien consul a du mal à retrouver sa place, notamment en raison de la concurrence des autres factions de sa communauté. La situation se compliquant un peu plus avec l’effondrement du régime de Kadhafi et le retour des Touaregs de Libye. Appuyé par des jeunes de sa communauté, Iyad créé alors Ansar Dine. 

Iyad Ag Ghali (à droite), alors leader du groupe islamiste Ansar Dine, lors d'une rencontre avec le ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso, Djibril Bassole, à Kidal (nord du Mali, le 7 août 2012. (Reuters - Stringer)


Pourtant, l’homme n’a pas toujours défendu des positions radicales. «Ses vieux amis se rappellent un poète, un homme à femmes et un amateur d'alcool. Ils se souviennent aussi d'un lève-tard qui n'émergeait pas avant midi, l'esprit embrumé par les nuits à discuter politique autour d'un verre. L'un d'eux, touareg comme lui, l'avait même grondé parce qu'il ne faisait jamais le ‘‘fajr’’, la prière de l'aube», rapporte Le Figaro Magazine, visiblement très bien informé.

Iyad Ag Ghali fait apparemment partie de ces Touaregs «qui manient tour à tour la guitare et la kalachnikov». Au sens propre du terme. Car lui-même a été le… bassiste du groupe Tinariwen, groupe de blues touareg de renommée internationale ! Il fut «grand fêtard» dans une autre vie, «puis islamiste… sans doute autant par stratégie, et par ‘‘sens du terrain’’, que par conviction», estime Shindouk.  

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.