Journaliste disparu au Mali : la vidéo d'Olivier Dubois "n'est pas accompagnée de la mise en scène classique", souligne le spécialiste Vincent Hugeux
Le journaliste français Olivier Dubois affirme qu'il a été kidnappé début avril au Mali par des jihadistes affiliés à Al-Qaïda, dans une vidéo à la provenance indéterminée circulant sur les réseaux sociaux, mercredi 5 mai.
Après la disparition du journaliste Olivier Dubois, l'hypothèse d'un enlèvement par le GSIM, le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans au Mali, est "hautement probable", a déclaré mercredi 5 mai sur franceinfo Vincent Hugeux, journaliste spécialiste du continent africain. Le GSIM est cité par Olivier Dubois dans la vidéo publiée ce mercredi sur les réseaux sociaux. Toutefois, "on ne peut pas écarter l'hypothèse à ce stade qu'il s'agisse d'un groupe autonome qui aurait pour ambition, d'une certaine manière, de 'revendre' un otage", estime Vincent Hugeux, notamment parce que la vidéo "n'est pas accompagnée de la mise en scène classique".
franceinfo : Un enlèvement par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM) ça vous parait crédible ?
Vincent Hugeux : C'est une hypothèse hautement probable, mais à ce stade, il n'y a pas de certitude sur le fait qu'Olivier Dubois serait détenu par le GSIM. J'attire votre attention sur le fait que cette vidéo très brève n'est pas accompagnée de la mise en scène classique. Il n'y a pas de drapeau. On ne voit pas d'inscriptions en arabe défiler au bas de l'écran. À l'évidence, elle n'a pas été faite de manière clandestine, donc si elle est parvenue à ses destinataires, c'est que ceux qui détiennent aujourd'hui Olivier Dubois l'ont vraisemblablement souhaité. On ne peut pas écarter l'hypothèse à ce stade qu'il s'agisse d'un groupe autonome qui aurait pour ambition, d'une certaine manière, pardonnez la trivialité du propos, de "revendre" un otage à la valeur marchande supposée très élevée à un groupement qui, lui, serait motivé par des soucis idéologiques. C'est une pratique qui est relativement courante. Si vous êtes le patron d'un petit groupe de caïds crapuleux qui fait dans le trafic d'armes, le trafic d'êtres humains, voire le trafic de drogue et d'otages, vous pouvez espérer un retour sur investissement rapide et substantiel.
Quel est ce groupe GSIM qui est cité par le journaliste français comme son ravisseur ?
Le GSIM, c'est donc le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans qui est parfois désigné sous l'acronyme Jnim, la version arabe du même groupe. Vous avez donc deux grandes nébuleuses actives au Sahel : la nébuleuse Al-Qaïda, dont relève précisément ce GSIM et la nébuleuse État islamique. Le GSIM a pour patron un certain Iyad Ag Ghali, un Touareg malien qui avait déjà été très actif lors de la descente depuis le grand nord malien de 2013, qui a été enrayé à l'époque par l'opération Serval.
"Selon toute vraisemblance, Olivier Dubois espérait obtenir entretien avec un haut responsable du GSIM."
Vincent Hugeux, journaliste spécialiste du continent africainà franceinfo
Olivier Dubois est tout sauf un aventurier mu par je ne sais quelle pulsion. Non seulement il est établi au Mali depuis 2015, mais avant même de s'y installer à demeure, il avait déjà accompli plusieurs reportages dans cette région du monde.
Il faut souligner qu'en ce moment, les autorités maliennes discutent avec certains groupes djihadistes. Le GSIM en fait-il partie ?
Non. Si vous vous en tenez à la doctrine française, qui a été réitérée très récemment par Emmanuel Macron, il y a une ligne de fracture parfaitement claire entre, je dirais, les djihadistes accidentels ou du moins fréquentables, et ceux qui ne le sont pas. Très clairement, pour Paris, Iyad Ag Ghali reste l'ennemi public numéro 1, il est une cible identifiée comme telle. Là où il y a divergence entre Paris et ses alliés maliens, c'est sur le fait que la katiba Macina, peut faire partie des interlocuteurs selon Bamako. Cette katiba est un groupement affilié à Iyad Ag Ghali mais qui est essentiellement constituée de peuls, l'une des grandes ethnies dominante de la région, et qui est menée par Amadou Koufa. Récemment, il y a eu une initiative qui a été prise par des émissaires pour essayer d'instaurer un dialogue minimal avec précisément Amadou Koufa. Mais vu de Paris, ça reste aujourd'hui officiellement intolérable.
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