Keita, le nouvel homme fort du Mali n’est pas un novice
Sa réputation d’homme à poigne, il la tient de son passage au pouvoir comme Premier ministre en 1994. Il arrive en pleine grève générale, et ne s’en laisse pas compter. A la surprise générale, Keita, homme réputé proche des idées de gauche, adopte un discours de fermeté. Il réprime les manifestations et ferme les universités pour un an. «Non à la chienlit !» aurait-il martelé.
Homme de gauche formé notamment à la Sorbonne, Keita est rentré au pays au début des années 80. Il est conseillé du Fonds européen de développement, puis dirige un projet dans le nord du Mali.
Le pays est alors aux mains du général Moussa Traoré, et Keita milite dans des organisations qui contestent ce pouvoir sans partage. Il se rapproche notamment d’ Alpha Oumar Konaré.
Un nouveau coup d’Etat renverse Traoré en 1991. Pour l’élection qui suit, IBK devient directeur de campagne de son mentor. Konaré, qui l’emporte, et ne manque pas de lui renvoyer l’ascenseur. C’est le début de la carrière politique de Keita. Ambassadeur, conseiller, ministre et enfin premier ministre, il franchit rapidement les étapes.
Candidat malchanceux à la présidentielle
Notre homme est ambitieux. En 2002, il pense être le légitime successeur de Konaré. Mais son parti en choisit un autre, Amadou Toumani Touré, celui là même qui sera renversé le 22 mars 2012.
En réaction, IDK crée son propre parti, le Rassemblement pour le Mali. Il perd les élections, mais son ralliement à Touré lui offre la présidence de l’Assemblée nationale. Nouvelle rupture cinq ans plus tard, cette fois à cause de la politique à l’égard des Touaregs. Une politique que Keita juge trop souple. Nouvelle élection en 2007 et nouvelle défaite. Mais Keita est désormais quelqu’un qui compte. Qui plus est, il s’est forgé un profil de garant de l’unité nationale.
Le soutien de l’armée et des musulmans
Son attitude lors du coup d’Etat de mars 2012 est plus ambigüe. Faute d’avoir condamné le putsch, on le soupçonne d’être proche des militaires, même s’il s’en défend.«Je ne suis pas homme à faire la cour aux putschistes, et les militaires le savent» a-t-il déclaré lors de la campagne. Mais son programme prévoit une réorganisation de l’armée qui plaît aux militaires. Son côté «homme à poigne» n’est pas non plus pour déplaire aux soldats qui font et défont la vie politique malienne.
IBK affirme être un bon musulman. Mais, dans un pays où 90% des habitants sont musulmans, c’est un discours qu’il vaut mieux tenir si on veut gagner une élection. Respectueux de la religion, il a démarré tous ses meetings par une prière. Pourtant, certains n’ont pas manqué de dénoncer un geste très démagogique, Keita ayant par le passé été moins vertueux.
Quoi qu’il en soit, il a obtenu le soutien des religieux et notamment de l’imam Dicko, président du Haut conseil islamique.
Et Paris ?
Le Quai d’Orsay ne peut que se réjouir de l’élection de Keita. Le Mali va désormais être dirigé par un homme de consensus, qui pour autant n’a pas fait de compromis. Qui plus est, IDK se revendique d’une sensibilité de gauche, laïque et nationaliste. Francophile, en grande partie formé en France, il est un interlocuteur rêvé pour Paris.
Ibrahim Boubacar Keita va devoir montrer rapidement ses compétences. A commencer par la gestion du nord Mali. Les Touaregs du MNLA ont clairement fait savoir qu’ils veulent que leurs revendications soient reconnues. Faute de quoi, les armes parleront à nouveau. Mais le nouveau président du Mali peut-il négocier ne serait-ce qu’un statut d’autonomie de l’Azawad ? Même s’il a annoncé ne pas «attendre deux mois pour une réconciliation avec le nord».
Il va falloir aussi relancer l’économie du pays dévastée par le conflit. Dans ce domaine, c’est un véritable examen de passage qui attend Keita. L’aide internationale à la reconstruction s’élève à trois milliards d’euros. Il va falloir gérer l’enveloppe sans en profiter. Ce qui dans ce pays, miné par la corruption, est un vrai challenge.
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