Mali : ce que l'on sait du massacre d'au moins 130 habitants d'un village peul
Le gouvernement malien a annoncé la dissolution d'une milice d'autodéfense accusée de ces exactions.
C'est la tuerie la plus sanglante au Mali depuis plus de six ans. Quelque 130 personnes ont été massacrées dans un village peul du centre du pays, samedi 23 mars. C'est le plus lourd bilan depuis le début des combats menés dans le cadre des opérations Serval, puis Barkane, lancées en 2013 à l'initiative de la France pour chasser les groupes jihadistes qui avaient pris le contrôle du nord du pays. Franceinfo fait le point sur ce drame.
Une milice derrière l'attaque
Des hommes armés habillés en chasseurs traditionnels dogon ont fait irruption, à l'aube samedi, dans le village d'Ogossagou, dans la zone de la ville de Bankass près de la frontière avec le Burkina Faso. Après avoir tué les habitants qu'ils croisaient, les hommes armés se sont dirigés dans le village de Welingara, deux kilomètres plus loin, où ils ont à nouveau massacré des villageois, raconte RFI.
"Dans ma famille, près de vingt personnes ont été tuées, des gens brûlés, des personnes jetées dans un puits", témoigne un habitant auprès de la radio. "J'ai vu des gens en flammes", ajoute un autre témoin.
"Le village a été attaqué par des chasseurs des milices armées de Dan na Amassagou, dirigées par Youssouf Toloba. Quand ils sont arrivés dans le village, ils ont commencé à tirer sur la population civile, raconte à RFI Cheick Harouna Sankaré, maire de la localité voisine de Ouonkoro. Ils ont découpé à coups de machette des femmes. Des femmes enceintes ont été éventrées." Des corps étaient encore en train d'être ramassés dimanche, selon des témoins.
Un très lourd bilan
"Au moins 134 civils, y compris des femmes et des enfants, auraient été tués et au moins 55 blessés" à la suite de l'attaque samedi du village d'Ogossagou, a indiqué le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, dans un communiqué diffusé samedi soir. L'association de défense des droits des populations pastorales Kisal a également annoncé un bilan de "134 morts dont des femmes, enfants, vieillards, adultes et adolescents", dimanche sur sa page Facebook.
Des affrontements fréquents
Depuis quatre ans, le groupe jihadiste du prédicateur Amadou Koufa recrute, dans le centre du pays, prioritairement parmi les Peuls, traditionnellement éleveurs. Ces dernières années, les affrontements se multiplient entre cette communauté et les ethnies bambara et dogon, qui ont créé leurs propres "groupes d'autodéfense". Ces violences ont coûté la vie à plus de 500 civils en 2018, selon l'ONU
Parmi les victimes du massacre figuraient "des éléments peuls du DDR cantonnés dans le village". Le DDR est un programme de "désarmement, démobilisation et réinsertion" (DDR) prévu par l'accord de paix de 2015 pour les combattants de groupes armés du Nord.
Par ailleurs, cette tuerie survient six jours après un attentat jihadiste à Dioura, dans la même région mais beaucoup plus au nord, contre un camp de l'armée malienne, qui a perdu 26 hommes. Dans un communiqué de revendication vendredi, la principale alliance jihadiste du Sahel liée à Al-Qaïda a justifié l'opération de Dioura par les "crimes odieux commis par les forces du gouvernement de Bamako et les milices qui le soutiennent contre nos frères peuls".
"Les récents événements dans le cercle de Koro [la zone du massacre de samedi] sont les conséquences d'une violence armée dans la zone impliquant divers acteurs avec des motivations toutes aussi diverses", analyse Baba Dakono, chercheur à l'Institut pour les études sur la sécurité (ISS), basé à Bamako.
La dissolution d'une milice de chasseurs
A l'issue d'un Conseil des ministres extraordinaire dimanche, le gouvernement malien a annoncé la dissolution du groupe de chasseurs traditionnels dogons Dan na Amassagou et le limogeage des principaux chefs de l'armée. "Nous voulons dire clairement aux uns et aux autres que la protection des populations restera le monopole de l'Etat", a déclaré le Premier ministre, Soumeylou Boubeye Maïga.
Quelques heures auparavant, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, s'était déclaré "choqué et outré" par ce massacre et avait appelé "les autorités maliennes à enquêter rapidement sur cette tragédie et à traduire ses auteurs en justice". De son côté, la coalition des groupes pro-gouvernementaux également impliqués dans l'accord de paix, a condamné ce "crime de masse", exigeant "une commission d'enquête indépendante".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.