Mali. La France a-t-elle des intérêts cachés ?
Le Mali est au cœur du Sahel. Une région qui est devenue un important enjeu géostratégique, mais aussi économique.
Le moment était solennel. La France en était à son second jour d'intervention au Mali et on venait d'apprendre la mort du lieutenant Boiteux. Pour sa deuxième allocution depuis le début de l'opération Serval, le président François Hollande a assuré : "La France ne défend aucun intérêt particulier." Conférences de presse après allocutions, François Hollande n'a eu de cesse de répéter que la France souhaitait combattre le terrorisme, permettre au Mali de retrouver son intégrité territoriale et enfin, protéger ses ressortissants.
Une mise au point nécessaire sur un continent où la moindre action de la France dans l'une de ses anciennes colonies prête à suspicion et réveille le spectre de la Françafrique. Un terme fourre-tout qui recouvre un ensemble de relations opaques, politiques, d'affaires, voire d'affairisme, nouées par la France avec ses anciennes colonies.
Peu d'intérêts économiques au Mali
Quels seraient ces intérêts économiques que la France voudrait défendre au Mali ? Ce pays figure parmi les 25 plus pauvres du monde, 80% de la population travaille dans le secteur primaire et le pays est surtout connu pour ses exportations de coton. Le Mali avait bien cherché à développer le tourisme avec des sites comme les mausolées de Tombouctou et la falaise des Dogons, mais ce secteur a été mis à terre par le conflit.
Le sous-sol malien contient de l'or (sept mines), notamment près de la frontière avec le Sénégal, où il est extrait dans des conditions parfois douteuses. Le pays est le troisième producteur africain (après l'Afrique du Sud et le Ghana) du métal jaune, exploité par des multinationales anglo-saxonnes, mais il dispose aussi de gisements de minerais de fer, de bauxite, de phosphates et de marbre. Toutefois, le Mali n'a rien d'un géant minier comme la République démocratique du Congo ou l'Afrique du Sud. Une entreprise canadienne, Rockgate, cherche bien à exploiter de l'uranium, relèvent Les Echos, mais le gisement situé dans le sud-ouest du Mali n'est pas entré en production.
Reste enfin la question du pétrole. Des réserves ont été repérées, notamment dans le Nord, tenu par les islamistes. Elles se situent dans une zone à cheval sur la Mauritanie, l'Algérie et le Mali. Mais là encore, aucune goutte d'or noir n'a jamais coulé au Mali, malgré des recherches dès les années 1970. Rien à voir donc avec la Libye, qui dispose des plus importantes réserves d'Afrique.
De l'uranium stratégique au Niger
Cependant, si la France n'a pas franchement d'intérêts économiques au Mali, elle en a dans la sous-région. A commencer par l'uranium nigérien. C'est dans ce pays cousin du Mali qu'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a entrepris deux spectaculaires prises d'otages. La première a été menée à Arlit en 2010 : sept personnes enlevées dont cinq Français. Une seconde a visé deux jeunes Français en pleine capitale, à Niamey, en 2011, et s'est achevée par leur mort.
Or, l'uranium nigérien est nécessaire à Areva. L'entreprise française y est présente depuis quarante ans, rappelle son site. Un tiers de sa production vient des deux mines en activité. Des sites stratégiques.
Le Niger est un pays qui, comme le Mali, a connu des rébellions touareg et aurait pu être menacé par leur retour de Libye. Pour l'instant, leur dévolu s'est jeté sur le Mali, le Niger ayant eu l'idée de mener une politique d'intégration. Ainsi, le Premier ministre est un Touareg, rappelle Slate Afrique. Toutefois, si Bamako tombait aux mains des islamistes, la fièvre rebelle pourrait se révéler contagieuse. En somme, comme le souligne l'Observatoire du nucléaire sur Rue89 : la France pourrait chercher à sécuriser son approvisionnement en uranium.
Au-delà du seul Niger, le Sahel
D'autant que le Mali se trouve en plein cœur du Sahel, dont les ressources aiguisent les appétits. Cette vaste région qui borde le sud du Sahara était hier considérée comme inutile, sans ressources et condamnée à une succession de crises alimentaires et conflits armés. Mais depuis 2003, le Tchad peut exploiter son pétrole qu'il exporte via le Cameroun. La Mauritanie en 2006 et le Niger en 2007 sont aussi entrés dans le cercle des pays producteurs. Par ailleurs, l'or est maintenant exploité dans toute la région, le cuivre et le fer en Mauritanie, le zinc au Burkina Faso et bientôt le zircon et l'ilménite au Sénégal : autant de nouveaux contrats miniers. La France veut éviter que la chute du Mali aux mains des islamistes vienne déstabiliser toute la région.
Surtout que le Sahel a réveillé l'intérêt de grandes puissances sous la pression de la demande chinoise en matières premières, rappelle un article du chercheur Frédéric Deycard, dans Question internationales. De nombreux pays se sont intéressés de près aux ressources sahéliennes. On retrouve la Chine qui investit massivement dans la région, mais aussi le Canada et des pays du Golfe. Parmi eux, le Qatar est même soupçonné d'avoir soutenu des jihadistes au Nord-Mali, selon Marianne. Ce regain d'intérêt s'est d'ailleurs accompagné d'une perte d'influence des anciennes puissances coloniales dans la région. Dans tout ce chamboulement, la France a peut-être aussi été tentée d'intervenir pour protéger ses intérêts dans les pays voisins, et réaffirmer son influence dans son "pré carré".
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