"Je me croyais en enfer" : à Marrakech, ville meurtrie par un puissant séisme, habitants et touristes racontent une nuit cauchemardesque

Selon un bilan provisoire, plus d'un millier de personnes ont péri, après un tremblement de terre de magnitude 7, dont l'épicentre était situé au sud de la ville ocre.
Article rédigé par franceinfo
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Un bâtiment en ruine au lendemain du tremblement de terre qui a frappé le Maroc, à Marrakech, samedi 8 septembre 2023. (SAID ECHARIF / ANADOLU AGENCY / AFP)

Plus d'un millier de personnes ont péri dans un puissant séisme qui a frappé le Maroc, vendredi 8 septembre. Une violente secousse, de 7 sur l'échelle de Richter, est survenue à 23h11, surprenant de nombreuses personnes chez elles. L'épicentre se situait dans la province d'al-Haouz, au sud-ouest de la ville de Marrakech. Dans cette ville, destination très prisée des touristes étrangers, la stupeur a rapidement fait place à des scènes de chaos. Les témoins du drame racontent une nuit cauchemardesque dans la ville ocre.

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"J'ai senti que mon lit bougeait"

A Marrakech, de nombreux témoins évoquent d'abord un bruit. Celui d'un "avion de combat", pour Mina Metioui, une habitante qui se confie à la BBC. A franceinfo, un fonctionnaire marocain raconte que son épouse, avec qui il était sorti se promener dans les rues de Marrakech après le dîner, a d'abord cru que la secousse était due au passage d'"un hélicoptère". "Dès que ça a commencé à trembler, les gens se sont mis à courir dans tous les sens dans la rue", raconte-t-il. Mais à cette heure, la secousse a surtout surpris les habitants chez eux.

Dans son domicile du centre-ville, Sadia Habiby dormait quand la terre s'est mise à trembler. Elle a été réveillée en sursaut, raconte-t-elle à franceinfo. "J'ai senti que mon lit bougeait, il y avait un bruit énorme. Le miroir bougeait, ma fille criait : 'Maman, debout ! Debout !'" Elle parvient à sortir de chez elle avec sa famille. "Je n'ai pas eu peur. J'ai été la dernière à sortir", poursuit-elle. Un "instinct de survie", ressenti par Sam Boufal, un autre habitant de la ville, qui raconte à franceinfo s'être immédiatement précipité au deuxième étage de son domicile pour en extraire ses enfants. "J'étais choqué, ça courait dans tous les sens. Je me croyais en enfer", décrit-il.

Séïsme au Maroc : "C'était vraiment le choc"

Un expatrié français cité par franceinfo raconte être tombé du lit, tandis qu'un journaliste britannique installé au Maroc fait part à la BBC de sa confusion dans les premières secondes du séisme. "Mon épouse et moi venions à peine de nous assoupir quand elle s'est mise à hurler. J'ai ouvert les yeux sans comprendre ce qu'il se passait (...). Je ne pouvais pas imaginer que nous vivions un tremblement de terre", poursuit-il, ajoutant que "tout vibrait : le lit, le sol, les murs."

"Je pense que le cerveau n'arrive pas à comprendre ce qui est en train d'arriver avant que les cadres aux murs et le lit ne se mettent à bouger", abonde une touriste britannique, citée par la chaîne.

Dans le quartier historique du Mellah, Mbarka El Ghabar a, elle aussi, été brutalement tirée de son sommeil par les secousses. "Une partie du toit s'est affaissée, on s'est retrouvés bloqués à l'intérieur, mais nous avons réussi à nous échapper, mon mari et moi", témoigne-t-elle à l'AFP. Sa maison a été détruite, comme celle d'une de ses voisines, Hafida Sahraouia. "On faisait à dîner quand on a entendu comme une sorte de détonation. Prise de panique, je suis vite sortie avec mes enfants. Notre maison s'est malheureusement effondrée, raconte-t-elle, choquée, à l'agence. C'est comme si on avait été frappés par une bombe".

"Un monde fou dans la rue, des femmes évanouies, des maisons détruites"

Les témoins racontent ensuite la panique après le choc. Des images de vidéosurveillance, partagées samedi matin, montrent ces mouvements de foule, dans lesquels tous cherchent à se mettre à l'abri.

Si les autorités conseillent de rejoindre les places, moins exposées à l'effondrement des bâtiments, les Marocains comme les touristes, choqués, fuient spontanément. "Mon beau-fils a récupéré la voiture et on est parti. Il y avait un monde fou dans la rue, des femmes évanouies, des maisons détruites", se souvient Sadia Habiby, interrogée par franceinfo. "On avait l'impression que c'était une rivière qui débordait violemment. Les cris et les pleurs étaient insoutenables", affirme à l'AFP un autre habitant de la ville, Fayssal Badour, 58 ans.

Maroc : des centaines de morts dans un séisme dévastateur

Comme tous les habitants qui ont pu s'échapper des bâtiments, Benjamin Brown, un journaliste de CNN qui se trouve alors à Marrakech, sort de son hôtel. Il croise des personnes en pyjama qui, comme lui, rejoignent des espaces ouverts, d'abord dans le calme. "Et, quelques minutes plus tard, les hurlements ont commencé", explique-t-il. "La panique a débuté quand les gens ont remarqué leurs blessures", poursuit-il. A l'hôpital, des lits ont été sortis sur le trottoir, rapporte-t-il, tandis que des ambulances circulent à travers la ville et notamment vers la médina, le centre historique.

La célèbre place Jemaa el-Fna, cœur battant de Marrakech, voit converger des centaines de personnes, habitants et touristes rescapés, pour la nuit. Selon une journaliste de l'AFP, certains sont munis de couvertures, d'autres endormis à même le sol. Dans la foule, elle rencontre Houda Outassaf, une habitante saine et sauve, mais sous le choc. "J'ai au moins dix membres de ma famille qui sont morts à Ijoukak [une commune rurale d'al-Haouz]. J'ai du mal à y croire, car il n'y a pas plus de deux jours, j'étais avec eux", raconte cette femme.

Des personnes dorment sur une place de Marrakech après le séisme qui a frappé le Maroc dans la soirée du 8 septembre 2023. (FADEL SENNA / AFP)

Certains rescapés dorment dans leur voiture, garée dans la rue ou sur les parkings des supermarchés, décrit sur Sky News le journaliste Marocain Reda Fakhar. La chaîne britannique partage également des images de personnes installées aux abords de l'aéroport de la capitale touristique du pays. Alicia, une touriste venue de l'Oise, en fait partie. "L'hôtel nous a conseillé de dormir dehors, au cas où il y aurait une réplique, témoigne-t-elle pour France 3 Hauts-de-France. "On a essayé de dormir, puis on a pris un taxi parce qu'on était censé prendre l'avion à 7 heures ce matin. On est arrivé à l'aéroport, mais l'avion a été annulé, donc là, on attend que la situation se débloque...".

"Nous avons besoin de la moindre goutte de sang"

Au petit matin, le soleil se lève sur une ville profondément meurtrie. "Les maisons sont fissurées, certaines sont écroulées, le souk est très touché, comme le minaret de la mosquée sur la place Jemaa el-Fna, certaines rues sont impraticables, mais la vie a quand même repris", note Laurent, un touriste français cité par France 3 Nouvelle-Aquitaine. "Les blessés ont été pris en charge très rapidement et, sur certaines maisons, les fissures ont déjà été colmatées", relève-t-il après avoir parcouru la ville, plusieurs heures après le séisme.

Une maison éventrée à Marrakech, au Maroc, le 8 septembre 2023, au lendemain du puissant séisme qui a frappé la région. (MAXPPP)

Pourtant, de nombreuses personnes se trouvent encore sous les décombres. Des habitants interviennent à mains nues, dans l'espoir de secourir des proches, rapporte Reuters. Parmi eux, Miloud Skrout constate que les débris ont bouché l'accès de ruelles, empêchant toute intervention. "Nous nous remettons à la volonté de Dieu, mais nous avons subi un mal terrible, déclare-t-il. Il n'y a aucun moyen d'entrer dans les maisons et mes parents sont chez eux, malades".

Dès le matin, dans un élan de solidarité, des centaines de Marocains affluent vers le centre de transfusion sanguine de Marrakech, rapporte la journaliste Sihame Assbague, sur Twitter.

Ils sont rejoints par des touristes étrangers, se réjouit Mahmoud Abghach, qui dirige l'un de ces centres. "Nous avons besoin de la moindre goutte de sang", assure-t-il à Reuters.

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