Mali : 20 gendarmes tués lors de l'attaque d'un camp militaire à Sokolo, revendiquée par la principale alliance jihadiste du Sahel
L'attaque, menée le 26 janvier 2020, a entraîné la mort d'au moins 20 gendarmes dans une région proche de la Mauritanie. Les jihadistes chercheraient-ils à déstabiliser ce pays ?
Le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), la principale alliance jihadiste du Sahel, liée à Al-Qaïda et dirigée par le Malien Iyad Ag-Ghali, a revendiqué le 27 janvier 2020 une attaque, menée la veille, contre un camp de l'armée malienne à Sokolo, à 400 km au nord de Bamako et à 80 km de la frontière avec la Mauritanie. Vingt gendarmes ont péri, cinq autres ont été blessés, selon le dernier bilan gouvernemental diffusé le 26 janvier. La même source précise que l'on compte "quatre tués côté ennemi".
Dans un communiqué reçu par l'agence de presse mauritanienne Al-Akhbar, connue pour diffuser régulièrement des communiqués de cette mouvance, le GSIM affirme avoir "réussi à tuer plus de vingt militaires et fait prisonniers trois autres". Le groupe indique également avoir perdu trois hommes.
Il affirme aussi avoir emporté "neuf véhicules tout terrain, plus de vingt fusils-mitrailleurs Kalachnikov, un important arsenal de munitions et d'autres armements". L'armée malienne a reconnu que du matériel avait été "endommagé ou emporté".
Des responsables maliens ont attribué ce coup de force à des "terroristes", terme avec lequel ils désignent les groupes jihadistes liés à Al-Qaïda et à l'organisation Etat islamique (EI), actifs au Mali depuis huit ans, malgré des interventions de la force française Barkhane, de l'ONU et d'une force conjointe de cinq pays sahéliens (G5-Sahel).
Nouveau front ?
Sokolo est situé dans le cercle de Niono, dans la région de Ségou (centre). Il s'agit de la dernière localité avant la frontière avec la Mauritanie, proche d'une forêt considérée comme un repère de groupes liés à Al-Qaïda.
Pour Le Point, l'attaque dans cette région occidentale n'a rien d'anodin : il s'agit ainsi pour les jihadistes présents au Sahel d'ouvrir "un nouveau front à la frontière mauritanienne", alors que des renforts français de l'opération Barkhane et africains sont attendus dans la zone dite "des trois frontières" entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso. "Dans la région de Ségou, en revanche, aucun renfort ne semble être à l'ordre du jour, alors que cette vaste zone peuplée est sillonnée" par des groupes rebelles, analyse l'hebdomadaire français.
En attaquant les Maliens à l'Ouest, les jihadistes chercheraient ainsi à "soulager" leurs effectifs aux trois frontières "qui vont très vite se retrouver face à plus de soldats". Selon Le Point, ils ne chercheraient cependant pas à attaquer la Mauritanie qui "a su s'adapter à la situation sur le plan intérieur".
La Mauritanie "en pointe de la lutte anti-terroriste"
Touché dans les années 2000 par des opérations jihadistes, ce pays est "en pointe de la lutte anti-jihadiste", racontait fin 2018 Claude Guibal, grande reporter à franceinfo. Celle-ci expliquait alors "comment l'armée sur place réussit à protéger cette frontière stratégique". Une armée, réorganisée, qui contrôle étroitement la zone. "Les services de renseignements, des brigades mobiles et l’aviation ont empêché toute attaque en provenance du sud de l’Algérie et du nord du Mali. La population a plusieurs fois aidé à déjouer des intrusions", rapporte Jeune Afrique.
Par ailleurs, les autorités locales surveillent étroitement les mosquées et ce qui s'y dit. Dans le même temps, la Mauritanie, seule République officiellement islamique du G5-Sahel, a mis en place un dialogue entre religieux islamiques et prisonniers jihadistes. "Un dialogue a été organisé entre les oulémas et les terroristes capturés afin de tenter de leur prouver que leur lecture du Coran était erronée. Plus de 60 repentis ont été libérés. Des autorités religieuses du Golfe ont appuyé ces efforts, à l’instar du cheikh Abdallah Ibn Mahfoud Ibn Bayyah d’Arabie Saoudite", explique ainsi Jeune Afrique.
Ce n'est pas un hasard si 500 religieux musulmans et hommes politiques se sont réunis du 21 au 23 janvier, dans la capitale de la Mauritanie pour apporter leur réponse à la violence jihadiste au Sahel et en Afrique de l'Ouest, comme le mentionne Le Figaro. "Il devient un devoir du temps pour les universitaires et les chefs religieux d’intervenir d’urgence afin de lutter contre la violence et l’extrémisme qui continue d’instrumentaliser la pensée religieuse", lit-on en préambule de ce texte d’une dizaine de pages, non accessible sur internet.
En #Mauritanie, adoption de la Déclaration de #Nouakchott par 500 oulémas, imams et prédicateurs islamiques réunis les 21-23 janvier 2020 pour promouvoir tolérance et modération contre extrémisme et luttes intestines @Bin_Bayyahhttps://t.co/3GBMsELKcuhttps://t.co/W5hV1e2DK3 pic.twitter.com/HqkEt2TdI3
— Père Vincent Feroldi (@PVincentFeroldi) January 26, 2020
De fait, la Mauritanie "a su mobiliser ses oulémas pour désamorcer les appels à la révolution des jihadistes", note le chercheur Marc-Antoine Pérouse de Montclos, dans The Conversation. Mais "elle est toujours soupçonnée de complaisance, voire de collusion avec les insurgés en les laissant circuler sur son territoire en échange d’une sorte de pacte de non-agression mutuelle."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.