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Nigeria : nouvelle poussée chiite en faveur du dirigeant détenu Ibrahim Zakzaky

Des heurts ont éclaté à Abuja le 9 juillet entre forces de l’ordre et partisans du chef chiite. La veille, l’Iran avait convoqué le chargé d’affaires nigérian pour s’inquiéter de la santé de ce dirigeant en détention.

Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Un policier passe devant une voiture incendiée par des partisans d'Ibrahim Zakzaky, un dirigeant emprisonné du Mouvement islamique du Nigeria (MIN), près du bâtiment de l'Assemblée nationale à Abuja, la capitale du Nigeria, le 9 juillet 2019. (KOLA SULAIMON / AFP)

Le Mouvement islamique du Nigeria (MIN) a organisé le 9 juillet 2019 une manifestation aux abords de l’Assemblée nationale dans la capitale fédérale du pays Abuja pour réclamer la libération de son leader Ibrahim Zakzaky détenu depuis décembre 2015.

Du sang sur la route menant à l'Assemblée

Selon des témoins cités par l’AFP, la manifestation a dégénéré lorsque des manifestants ont réussi à prendre son fusil à l’un des policiers en faction devant l’entrée principale du bâtiment. "Ils se sont emparé du fusil de l'un d'entre eux et ont tiré sur un autre policier debout non loin de là, a raconté un témoin. Le type sur lequel ils ont tiré n'a été que blessé et a été rapidement été évacué vers la clinique de l'Assemblée nationale, ainsi que celui dont le fusil a été dérobé, parce qu'il avait des contusions à la tête à cause de l'attaque", a-t-il précisé.

Les forces de sécurité ont alors riposté en ouvrant le feu sur les manifestants blessant certains d’entre eux, selon des témoins. Un journaliste de l’agence française précise avoir vu des traces de sang sur la route menant à l’Assemblée, ainsi que des voitures aux pare-brise cassés par les personnes en fuite.

Des membres du MIN auraient tenté de pénétrer de force dans l’enceinte de l’Assemblée, rapporte de son côté RFI, expliquant que c’est ainsi que la police justifie son usage de la force. Deux manifestants seraient morts dans les rangs du mouvement chiite et deux officiers de police ont été blessés par balle, toujours selon RFI. En dépit d’une quarantaine d’arrestations, les partisans d’Ibrahim Zakzaky ont promis de répéter ces marches jusqu’à sa libération.

"Une figure érudite et distinguée" selon Téhéran

Arrêté il y a près de quatre ans à la suite d’affrontements entre ses hommes et l’armée nigériane dans la ville de Zaria, qui avait fait plus de 300 morts, le dirigeant chiite pro-iranien, âgé aujourd’hui de 66 ans, avait été autorisé à faire une brève apparition publique le 13 janvier 2018 pour démentir les rumeurs sur la dégradation de son état de santé. Le chef du MIN, qui a perdu la vue de l’œil gauche lors des manifestations de décembre 2015, était apparu portant une minerve et marchant à l’aide d’une canne. "Je suis en train d’aller mieux", avait-il déclaré aux journalistes.

Cette nouvelle manifestation intervient en tout cas dans un contexte de tension maximale dans le Golfe entre les Etats-Unis et l'Iran et au lendemain de la convocation du chargé d’affaires nigérian à Téhéran par les autorités iraniennes, selon le site Almasdarnews.

Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Seyed Abbas Moussavi, a expliqué qu’il s’agissait de faire part au diplomate nigérian des inquiétudes de Téhéran suite à des informations sur la dégradation de l’état de santé d’Ibrahim Zakzaky "une figure érudite et distinguée" a-t-il dit. "Nous espérons que les efforts déployés (pour améliorer la condition de M. Zakzaky) donneront des résultats et qu'il recouvrera sa santé", a ajouté le diplomate cité par Almasdarnews.

La crainte d'un Boko Haram version chiite

De son côté, l’agence iranienne Press TV a estimé dans un tweet posté le 9 juillet que Cheikh Ibrahim Zakzaky avait besoin urgemment de traitement médicaux. La veille, la même agence avait posté une intervention du fils du dignitaire chiite expliquant que l’état de santé de son père était très inquiétant.

Cheikh Zakzaky est très populaire au sein de la minorité chiite du Nigeria, évaluée à 4 millions de personnes sur une population de 180 millions, majoritairement chrétiens au sud et musulmans sunnites au nord. Inconditionnel de la révolution khomeiniste en Iran, il bénéficie à ce titre de la bienveillance de la République islamique, dont il prône le modèle pour son propre pays. Raison pour laquelle le vieux guide spirituel a été maintenu en détention malgré une décision judiciaire fédérale ordonnant sa libération en 2016. Le pouvoir nigérian craint en effet de voir le MIN se transformer en un Boko Haram version chiite.

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