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Nigeria : quand les moto-taxis s'immiscent dans la campagne électorale

Les motos-taxis sont incontournables dans la plupart des métropoles africaines, ils forment l’âme des villes. A Lagos au Nigeria, les "okada riders" sont une force. Bien que souvent hors la loi, ils sont aussi des soutiens pour les candidats aux élections qui se déroulent le 23 février 2016 (scrutin reporté d'une semaine le 16 février 2019).

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Deux jeunes font campagne pour le président Muhammadu Buhari, le président sortant et candidat à sa propre succession, au guidon de leur moto dans les rues de Lagos au Nigeria le 9 février 2019. (ADEKUNLE AJAYI / NURPHOTO)

On les appelle "okada riders", les pilotes de moto-taxi, très présents dans les villes nigérianes. Ils sont tout à la fois source de danger et transporteurs incontournables. Rapides, ils suppléent l’absence de transports en commun. Respecter le code de la route n’est pas leur priorité. On les voit souvent rouler à contre-sens et ils provoquent quotidiennement une multitude d’accidents mortels dans les rues de Lagos.

Si bien que depuis 2012, le gouvernement de l’Etat de Lagos interdit 475 des 9 000 routes et ponts de la ville aux moto-taxis. Ce qui n’empêche pas ces okada riders d’être toujours "les rois des autoroutes", selon l’expression d’un journal local, et de défier les autorités.

Malgré quelques arrestations et la création d’une brigade spéciale pour les contrôler, le nombre de ces trompe-la-mort ne cesse de croître. Ils exercent même leur activité jusque sur le boulevard Obafemi Awolowo, qui conduit au palais du gouvernement, dans la capitale Lagos. La corruption est aussi un élément intimement lié à l’activité. Du reste, selon une enquête du journal Daily Sun, policiers motorisés et soldats sont souvent acteurs de ces activités illicites, arrondissant ainsi leurs revenus, le soir venu. 

Code de la route et corruption

Les journalistes dressent un tableau sans concession d’une activité fort peu contrôlée, malgré les affirmations des politiques. Les moto-taxis graissent la patte des élus locaux afin de pouvoir travailler et versent aussi une dîme à des policiers peu scrupuleux. "Les habitants de Lagos ne peuvent pas vivre sans", nous explique l’un d’entre eux, "car le trajet est bien plus facile à moto".

Pour les habitants, ils constituent un mélange d’angoisse et de nécessité. Lagos, la ville tentaculaire construite autour d’une lagune, étouffe. La moto permet de se déplacer, même si le risque est élevé.

Mais les faits délictueux des okada riders ne se limitent pas au code de la route. De nombreux vols à main armée se font à moto. Pire même, les tueurs s’enfuient à moto lors de règlements de compte. De délinquants routiers, leur profil glisse vers celui de mafieux.

Soutiens politiques

Et les liens troubles que le milieu entretient avec les politiques sautent aux yeux lors de la campagne électorale. Ainsi dans l’état d’Anambra, le syndicat des transports motocyclistes du Nigeria a apporté son soutien à Emeka Aforka, candidat du parti All Progressive Grand Alliance (APGA). Le syndicat a promis une mobilisation de ses adhérents afin de lui apporter 10 000 suffrages.

Un okada rider porte un masque du président Muhammadu Buhari, candidat à sa succession lors de l'élection présidentielle du 16 février 2019. (ADEKUNLE AJAYI / NURPHOTO)

Les motards font campagne pour les leaders politiques en portant les couleurs, voire le portrait de leur champion sur leur engin. Et bien entendu, tout est bon pour se faire remarquer. Conduite sans les mains, debout sur la selle, et autres figures acrobatiques sont réalisées en l’honneur d’un candidat.

Porter le masque d’un postulant aux suffrages est aussi une tradition des okada riders que la police n’autorise pas toujours. Dans l’Etat d’Ekiti, le port d’un tel masque est interdit dans toutes les villes, sous peine de poursuites. En effet, on soupçonne certains de ces motards de profiter du port de leur masque pour commettre des délits...

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