Nigeria : Yemi Osinbajo, l'atout maître de la présidence
Inséparable du chef de l'Etat Muhammadu Buhari, réélu à la tête de la première économie d'Afrique, Yemi Osinbajo a l'occasion d'asseoir un peu plus sa popularité, notamment au sein de la jeunesse et de la classe moyenne. C'est dire le chemin parcouru depuis l'époque où il était cantonné à un rôle cérémonial.
Longtemps inconnu du grand public, Yemi Osinbajo est monté en puissance, discrètement dans l'ombre du président, plus âgé et plus autoritaire que lui. Les deux personnalités s'opposent, mais se complètent depuis le premier mandat de Buhari en 2015.
Avocat de formation, c'est lui qui répondait à la plupart des questions des journalistes, lors d'une émission télévisée à laquelle il participait avec son "patron", dans la dernière ligne de la campagne électorale.
A 76 ans, l'ancien général Buhari, musulman pieux issu du Nord, se définit comme un "démocrate converti", et veut incarner la droiture. Il parle peu et ses détracteurs l'accusent d'être trop vieux et trop malade pour assumer un nouveau mandat à la tête du géant ouest-africain. Au contraire, M. Osinbajo, à 61 ans, est perçu comme une personnalité affable et plutôt joviale. Ancien pasteur évangélique, il parle avec l'assurance des grands orateurs.
"L'éloquence, c'est mon boulot"
M. Buhari a trouvé en lui un allié fidèle. "La raison pour laquelle vous avez quelqu'un comme ça (comme président, NDLR), c'est l'intégrité", a affirmé le vice-président après l'émission. "Il (Buhari) n'est pas un orateur. L'éloquence, c'est mon boulot. Je suis avocat."
Bien que Yemi Osinbajo n'ait pas une longue carrière en politique derrière lui, il a évolué très tôt dans un milieu de décideurs et s'est constitué un réseau important. Sa femme, avec laquelle il a trois enfants, n'est autre que la petite-fille du père de l'indépendance nigériane, Obafemi Awolowo.
Originaire du pays Yorouba (sud-ouest du Nigeria), miraculeusement rescapé de deux crashes d'hélicoptère, M. Osinbajo a été ministre local de la Justice pour l'Etat de Lagos, après des études à l'Université de Lagos et à la prestigieuse London School of Economics.
Protégé de l'incontournable Bola Tinubu, ancien gouverneur de Lagos et l'un des hommes politiques les plus influents du pays, il rejoint le principal parti d'opposition (All Progressive Congress, APC) en 2013, dès sa création.
Un subtil partage des rôles
L'APC remportera la première alternance politique de l'histoire du Nigeria en 2015, projetant M. Buhari au pouvoir et plaçant l'inconnu Yemi Osinbajo sur la seconde marche du podium.
Petit, portant souvent un costume d'homme d'affaires et un chapeau yoruba traditionnel, M. Osinbajo a eu l'occasion de revêtir l'habit de chef d'Etat en exercice pendant les séjours répétés de M. Buhari à Londres pour des raisons médicales, entre 2017 et 2018. Alors que le président était affaibli par la maladie, son second était sur tous les fronts et tous les écrans de télévision.
Dans la région pétrolière et stratégique du Delta, lorsque M. Buhari parlait de "terroristes économiques" pour désigner les groupes armés décidés à mettre "le pays entier à genoux", M. Osinbajo, lui, parlait développement social. Quand le président demandait aux 190 millions de Nigérians d'être patients et d'affronter la récession économique avec patriotisme, son vice-président leur promettait qu'il comprenait leur souffrance et ferait tout pour y remédier.
La crise du Delta ou la terrible crise économique débutée en 2016 ont donné l'occasion au n°2 de marquer sa différence, profitant des absences de M. Buhari pour mettre en place quelques réformes attendues.
Ne pas gêner les plus puissants
Yemi Osinbajo décide alors d'assouplir la politique d'obtention des visas de travail : des mesures, certes minimes, mais qui permettent de rassurer – un peu – les investisseurs.
Afin de s'opposer à ceux qui estimaient que cette présence active puisse faire de l'ombre au chef de l'Etat, les proches de Muhammadu Buhari n'ont cessé de répéter que Yemi Osinbajo ne faisait que suivre les directives qui lui étaient communiquées.
Discret et travailleur, le nez continuellement rivé à son iPad, le vice-président ne les a pas contredits. Travaillant sous les ordres de son mentor Bola Tinubu, M. Osinbajo a compris depuis son entrée en politique qu'il ne servait à rien de gêner les plus puissants.
Mais chacun sait au Nigeria que le vice-président a joué un rôle décisif dans la réélection de Muhammadu Buhari, notamment dans le sud-ouest yorouba, et à Lagos, mégapole et capitale économique du pays.
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