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Ouganda : les évangélistes en croisade contre la pornographie et l'homosexualité

Une jeune chanteuse ougandaise risque 10 ans de prison à cause d'un clip dans lequel elle montre son postérieur. Cet événement est symptomatique du climat qui règne actuellement en Ouganda : chasse aux homosexuels et à la pornographie. Une situation en partie due à l'influence des évangélistes américains dans le pays.
Article rédigé par Laura Bruneau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Marche, à Kampala, de militants homosexuels contre la loi anti-homosexualité le 11 août 2014  
 (ISAAC KASAMANI / AFP)

Jemimah Kansiime, chanteuse de 21 ans, plus connue sous le pseudonyme de Panadol wa Basajja est accusée de pornographie. En cause, un clip où elle apparaît en string et qui donne à voir ses fesses. Une vidéo, par ailleurs, très inspirée de ses consœurs Rihanna et Nicki Minaj, qui sont aussi ses idoles. Si le clip fait le bonheur des fans avec plus de 300.000 vues sur la plateforme Youtube, elle n'a pas l'air de plaire aux conservateurs du pays, influencés par les évangélistes, qui ont traduit la jeune femme en justice.
 
Sur le site du tabloïd ougandais Red Pepper, elle est présentée comme une star du porno. «Ses chansons sonnent comme des vaches en chaleur», écrit l'organe de presse avant d'ajouter : «Avec son impudeur, elle a réussi à devenir une star internationale pendant 15 minutes.»
 
La chasse à la pornographie et à l'homosexualité
Jemimah Kansiime est accusée d'avoir violé la loi anti-pornographie promulguée en Ouganda le 24 février 2014, à quelques jours d'intervalle de la promulgation de la loi anti-homosexualité.
 
Egalement baptisée «loi des mini-jupes», elle interdit aux femmes de s'habiller de façon jugée «provocante». Les femmes sont clairement visées, alors que la constitution ougandaise interdit la discrimination hommes-femmes.
 
La législation prohibe aussi les spectacles en tenue légère sur scène et à la télévision et surveille de très près les sites internet fréquentés par la population. Simon Lokodo, ministre de l'Ethique et de l'Intégrité, un ancien prêtre, a précisé que son but était de prévenir les comportements «obscènes et indécents des groupes de média, des chaînes de télévision». 
 
En son temps, le dictateur Idi Amin Dada avait lui aussi interdit le port de la mini-jupe durant ses années de pouvoir.
 
Ce durcissement de la législation, qui va de pair avec le contrôle des mœurs, s'adresse aussi aux homosexuels qui seraient 500.000 en Ouganda selon la BBC.  
 
Déjà passible d'emprisonnement à vie et prohibée depuis les années 50, l'homosexualité est devenue plus répréhensible avec la loi promulguée en 2014. Elle en interdisait «la promotion» et rendait la dénonciation des homosexuels obligatoire. Le député David Bahati, son auteur, réclamait même la peine de mort pour les homosexuels dans un précédent texte, à l'image de ce qui se passe au Soudan, en Somalie ou encore en Mauritanie. Bien que cette loi fut annulée, ses effets perdurent. 

 
Un Etat sous influence évangéliste
L'Ouganda compte 85% de chrétiens dont 40% de catholiques. Les autres sont évangélistes. Le président, Yoweri Museveni, se présente comme un chrétien évangélique pratiquant.
 
Le pays reçoit régulièrement des prêcheurs américains, issus de la droite chrétienne, accueillis comme de véritables rock stars. Lesquels ont un discours haineux envers les homosexuels. Dans les écoles, les enfants, dès leur plus jeune âge, reçoivent des «leçons anti-gay» de la part de pasteurs dès leur plus jeune âge, rapportait le Daily Mail il y a quelques jours.
 
Des Américains à l'œuvre
Depuis le départ de George W. Bush de la Maison-Blanche en 2008, le pouvoir d'influence des évangélistes a diminué aux Etats-Unis. Le spécialiste du protestantisme évangélique américain, Mokhtar Ben Barka, estime que les voix des évangélistes, qui représentent près d'un cinquième de l'électorat américain, constituaient entre le tiers et la moitié des voix obtenues par George W. Bush en 2000 et 2004. Pendant ses deux mandats, Bush fils, fidèle de cette église, était très entouré d'évangélistes, comme Don Evans, secrétaire d'Etat au Commerce dans l'administration Bush. Dorénavant privés de cette influence aux Etats-Unis, les prédicateurs sont partis prêcher dans les pays d'Asie, d'Amérique latine et d'Afrique, dont l'Ouganda.
 
Depuis quelques années, les grandes messes évangéliques suivies par des milliers d'Ougandais se multiplient.
 
Philippe Gonzalez, sociologue à l'Institut des sciences sociales de l'Université de Lausanne, interrogé par JOL Press, situe le début de l'ascendance de l'évangélisme à 2009, lors de la visite de trois lobbyistes américains. Venus pour donner des conférences, ils se sont présentés comme des spécialistes de la «guérison des homosexuels» en visite pour prévenir d'un «plan gay» qui viserait à renverser les valeurs bibliques et à détruire la famille traditionnelle africaine. Selon eux, ce plan serait promu par l'ONU et l'Unicef. En 2012, l'Ouganda avait fait interdire 38 ONG, accusées de faire la promotion de l'homosexualité.

Le très controversé Scott Lively, considéré comme un extrémiste dans son pays d'origine, faisait partie de la délégation. Il est l'auteur d'un manifeste anti-gay «The Pink Swastika», sous-titré «l'homosexualité dans le parti nazi». En Ouganda, il a été invité par le Parlement à faire un discours de trois heures.
Le député David Bahati est l'auteur du texte de la loi anti-homosexualité en Ouganda. (REUTERS/Edward Echwalu)

C'est à peine un mois après ses conférences à Kampala, que le député Bahati a proposé sa loi anti-homosexualité. Depuis août 2013, Scott Lively est poursuivi aux Etats-Unis. Motif : crimes contre l'humanité en raison de son activisme en Ouganda. 

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