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Bosco Ntaganda devant la CPI: un chef de guerre congolais à la solde du Rwanda
Près de deux ans après l’ouverture de son procès devant la Cour pénale internationale, l’ex-chef de guerre congolais Bosco Ntaganda s’est exprimé le 14 juin 2017 devant la CPI. Voulant apparaître comme un «être humain», il a dit ne pas être un tueur. Il est accusé de crimes de guerre et crimes contre l’humanité, commis en Ituri (nord-est de la République démocratique du Congo) en 2002-2003.
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«Je suis un de ceux qui ont mis fin» au génocide rwandais de 1994, a déclaré Bosco Ntaganda devant la CPI. «J'étais très jeune mais j'étais déjà dans l'armée (...). J'étais commandant d'un peloton à ce moment-là et j'ai vu des horreurs.» «Cela m'a accompagné partout où je suis passé, a-t-il expliqué d'une voix faible. Et je me suis dit: "Je ne veux plus qu'aucune autre communauté puisse vivre ce que ma communauté a vécu."»
L’homme, qui «adore le jogging, passe la moitié de son temps sur internet et aime bien s’habiller», aux dires de son avocat, s’exprime en swahili. Il parle aussi kinyarwanda, kihema et anglais. Sans diplôme, il semble n’avoir eu que la guerre comme expérience.
L’homme est né en 1973 à Ruhengeri (nord-ouest du Rwanda) dans une famille de six enfants. Vers 1985, il se serait installé dans la province du Nord-Kivu (est de la RDC), où se trouve une grosse communauté rwandophone. Il a apparemment fait ses armes avec le Front patriotique rwandais (FPR), au pouvoir au Rwanda, avec qui il a participé à la conquête du pays à la suite du génocide des Tutsis par les Hutus en 1994, relève Jeune Afrique.
Or et diamants
Surnommé «Terminator», il a navigué entre Rwanda et RDC, pays frontaliers. En 1995-1996, il a combattu avec Laurent-Désiré Kabila contre le président de la RDC (alors appelée Zaïre) Mobutu Sese Seko, renversé début 1997. Et remplacé par Kabila, qui sera assassiné en 2001. Son fils Joseph Kabila lui succèdera.
Le chef de guerre a été intégré dans l’armée officielle congolaise. Mais il rejoint l’Ituri (nord-est de la RDC). Une région «dont les sous-sols d’or, de diamants, de coltan, suscitent (...) les plus criminelles convoitises», rappelle RFI.
Les faits qui lui sont reprochés par la CPI remontent aux années 2002-2003. La Cour l’accuse de treize crimes de guerre et cinq crimes contre l'humanité, dont des meurtres, pillages, attaques contre des civils, viols et esclavage sexuel, commis par ses troupes pendant cette période.
Bosco Ntaganda est alors chef adjoint de l’état-major des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC). Une organisation à prédominance hema qui se bat principalement contre l’ethnie rivale Iendu pour le contrôle de l’Ituri et de ses nombreuses mines d’or.
Selon la procureure de la CPI, l’accusé «était l’un des commandants les plus importants» lors des crimes «ethniques» qui ont entraîné la mort de 60.000 personnes. Les attaques des FPLC laissaient derrière elles des corps «ligotés au niveau des bras», «en sous-vêtements», «éventrés», «les têtes écrasées par des pilons», selon un témoin.
Grand, teint clair, très imbu de lui-même, «Terminator», connu pour avoir la gâchette facile, a «la réputation tenace d’éliminer ceux qui se placent sur sa route», rapporte RFI. Il aurait donné les ordres, planifié et programmé les opérations, coordonné la logistique et fourni les armes. Il aurait aussi «recruté personnellement des enfants», selon le bureau de la procureure. Des «kadogos» («jeunes» en swahili), filles et garçons, qu'il choisissait pour son escorte personnelle et qu'il habillait et armait pour le combat, une fois leur entraînement militaire terminé.
Les jeunes filles devenaient «épouses de commandant», souligne la représentante légale de 283 enfants-soldats, «maintenues en esclavage sexuel ou simplement données en pâture aux membres de la milice».
Proche du Rwanda… et de la RDC
La CPI émet un premier mandat contre lui en 2006. Mais Bosco Ntaganda, lui, a déjà intégré une autre rébellion, le Congrès national pour la défense du peuple, qui s’active au Kivu. Le CNDP va être finalement intégré dans l’armée congolaise en 2009. Le chef de guerre est nommé général. Tout en gardant le contrôle de ses hommes. Il aurait profité de sa position pour exploiter illégalement des minerais.
Les pressions internationales augmentent sur la RDC. «Terminator» constate que les temps ont changé. En 2012, il quitte l’armée. Il aurait fondé un nouveau groupe rebelle, le M23 (Mouvement du 23 mars). Un mouvement, dont la chaîne de commandement… «remonte jusqu’au ministre de la Défense du Rwanda», selon RFI. Il est alors considéré comme «l’homme du Rwanda "utilisé" pour déstabiliser le régime Kabila», écrit La Croix.
En 2012, la CPI dépose un second mandat d’arrêt contre Bosco Ntadanga. Lâché par le Rwanda, il se réfugie à l’ambassade américaine à Kigali. Il est ensuite transféré à la Cour.
Selon son avocat, cité par Jeune Afrique, «Terminator» «n’a pas les caractéristiques d’un criminel». Il risque jusqu’à 30 ans de prison. Pour autant, tous ses méfaits n’auraient pas été pris en compte et d’autres responsabilités éludées, estiment des observateurs. Il n’a pas à répondre «des crimes commis au sein» du M23, constate RFI. De plus, «le procureur a soigneusement épargné les régimes impliqués dans les guerres du Kivu et l’Ituri: Congo, Rwanda, Ouganda».
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