Ethiopie : l’attaque d’un camp militaire dans la province du Tigré, fait craindre une sécession armée
Les Tigréens ont commencé à défier le pouvoir central en septembre 2020, en organisant leurs propres élections régionales, remportées par l’ancienne élite du pays.
La situation est sérieuse, le premier ministre Abiy Ahmed a envoyé des renforts militaires dans le nord du pays après l’attaque d’un ou de plusieurs camps militaires attribuée au Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), le parti au pouvoir dans la région.
Les autorités évoquent des défections dans l'armée fédérale. Selon un communiqué "des forces déloyales" se sont retournées contre l'armée à Mekele, capitale du Tigré, et à Dansha, une ville de l'ouest de la région. L'attaque a fait "de nombreux morts, des blessés ". Le TPLF aurait "tenté de voler de l’artillerie et du matériel militaire ".
Défection d'une partie de l'armée ?
De son côté, le gouvernement régional de la province affirme que les gradés et les soldats dépendant du Commandement-Nord de l'armée éthiopienne, basé à Mekele, avaient "décidé d'être aux côtés du peuple du Tigré et du gouvernement régional". Inquiétant pour le pouvoir central : le Commandement-Nord représenterait plus du tiers des forces armées éthiopiennes.
La tension montait depuis plusieurs semaines. Les autorités tigréennes se sont opposées à la prolongation du mandat des députés nationaux et régionaux décidée par Addis Abeba en raison de la pandémie de coronavirus.
Le risque est sérieux, car les militaires tigréens sont bien organisés. Ce sont eux, les rebelles tigréens, qui ont renversé le régime Mengistu en 1991 et amené leur communauté au centre du pouvoir durant 27 ans.
Mais depuis l'élection en 2018 d'Abiy Ahmed issu de l'ethnie oromo, la plus importante du pays, les choses ont changé. La minorité tigréenne (environ 6% de la population) accuse le Premier ministre de l'avoir progressivement marginalisée au sein de la coalition au pouvoir, qu'elle a depuis quittée.
Fractures ethniques
L’accent mis par le Premier ministre sur l’unité nationale et une identité pan-éthiopienne ne plaît pas nécessairement aux différentes minorités du pays attachées à une autonomie significative des provinces.
Une des priorités du premier ministre éthiopien, qui obtenu le prix Nobel pour avoir fait la paix avec l’Erythrée, était justement de donner une place équilibrée à toutes les ethnies dans ce pays traversé par de fortes tensions communautaires et séparatistes. Les fractures ethniques et politiques font de l’Ethiopie, une véritable poudrière.
Les derniers développements militaires font craindre aux observateurs un risque d'un conflit long et dévastateur, susceptible de menacer la stabilité déjà fragile du pays. Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo s'est dit "profondément préoccupé". L’affaire est prise au sérieux par les chancelleries qui veulent éviter une guerre civile avec la puissante province. Il ne sera pas facile de dompter le Tigré.
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