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L’Allemagne s'implique de plus en plus en Afrique, sous le regard bienveillant de Paris

La chancelière allemande Angela Merkel a entamé, le 1er mai 2019, une tournée de trois jours au Niger et au Mali, son troisième voyage en Afrique depuis 2016. Berlin apporte une aide économique croissante aux pays de la région minée par les attaques jihadistes, au grand soulagement de la France. 

Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Angela Merkel à Niamey avec le président nigérien Mahamadou Issoufou. La chancelière allemande a entamé le 1er mai 2019 une mini tournée au Niger et au Burkina, où elle a assisté au sommet du G5-Sahel. (MICHAEL KAPPELER / DPA)

L’Allemagne s’intéresse de plus en plus à l’Afrique, y compris sur le terrain militaire. Lors de sa visite à Ouagadougou, le 1er mai 2019, la chancelière a promis une aide de 46 millions d'euros visant à renforcer la sécurité au nord et à l'est du Burkina, où des milliers d'écoles ont été fermées en raison des attaques jihadistes menaçant les enseignants et les faisant fuir.

En présence des présidents du Mali, de Mauritnie, du Niger, du Burkina et du Tchad, la chancelière allemande a appelé les Européens à consentir plus d'efforts pour aider les pays de la région. "Ce n'est pas uniquement la responsabilité de ces cinq Etats, mais c'est une responsabilité qui concerne l'Europe également car, si le chaos prend le dessus – ce que nous tenons à éviter à tout prix –, cela a également un impact sur d'autres domaines", a affirmé Mme Merkel après une réunion avec les cinq chefs d'Etat du G5-Sahel.

Cet intérêt manifesté pour le continent africain s’accompagne d'une implication plus forte de la Bundeswehr (l’armée allemande) dans la lutte contre les groupes armés terroristes (jihadistes). Depuis décembre 2015, près d'un millier de soldats allemands sont stationnés au Mali, tant au sein de la Mission des Nations unies pour la stabilité au Mali (Minusma), que dans le cadre de la formation des forces armées maliennes.

L’Allemagne ne peut plus ignorer l’Afrique

Depuis quelques années, l’Afrique est entrée dans les radars de l’Allemagne, longtemps obnubilée par l’est de l’Europe. Ce pays s’intéresse également à un marché prometteur de bientôt 1,5 milliard d’habitants. Angela Merkel estime que le continent africain dispose "d'un énorme potentiel de croissance". En 2017, l’Allemagne a même dépassé la France comme premier fournisseur européen en Afrique. En 2018, ses investissements ont dépassé les dix milliards d’euros.

Il y a encore quelques années, l’Afrique du Sud, l’Algérie et le Nigeria concentraient la quasi-totalité des investissements sur le continent. Depuis, de nouveaux partenaires sont apparus, notamment en Afrique de l’Ouest. C’est le cas du Sénégal et du Ghana, deux Etats auxquels s’intéresse particulièrement l’Allemagne en raison de leur stabilité politique et de leur croissance économique. Mme Merkel s’y était rendue lors de sa dernière tournée africaine, en août 2018.

Berlin prévoit d’investir plus d’un milliard d’euros en Afrique pour accompagner des entreprises européennes, alors que la France a perdu la moitié de ses parts de marché sur le continent, passant de 12% en 2001 à 6% en 2017. Des pertes qui ont profité à la Chine, à l’Inde ou à la Turquie dont les produits bon marché ont envahi le continent grâce à une stratégie économique agressive. La Chine et de l’Inde sont devenues les premier et quatrième fournisseurs de l’Afrique dans le secteur automobile. Tandis que la France passait du 3e rang en 2001 au 7e en 2017.

Limiter l’immigration africaine

Le secteur de l’automobile est en forte croissance. L’Allemagne compte sur l’émergence d’une classe moyenne africaine pour un jour pouvoir vendre ses automobiles et ses machines-outils, fers de lance de l’économie allemande. Surtout, le développement économique de l’Afrique est une réponse au défi migratoire qui inquiète la société allemande. La lutte contre les causes de l’immigration est réclamée par une partie de l’opinion publique allemande (et européenne).

Angela Merkel, confrontée à une montée de la droite et de l’extrême droite allemandes, crispées sur la question migratoire, veut désormais limiter les flux de migrants en provenance du continent. Angela Merkel ne cesse de répéter qu'elle souhaite s'attaquer aux "racines" de l'exode des Africains vers l'Europe. La nouvelle vision défendue par la chancelière allemande est donc de rendre les pays africains plus attractifs pour les investisseurs, afin de favoriser leur émergence et de réduire les flux migratoires.

La France voit en l’Allemagne moins un concurrent qu’un allié sur le marché africain. Les deux Etats ont commencé à partager leurs politiques de coopération avec des agences communes dans certains pays comme Madagascar. La France affaiblie et esseulée en Afrique, compte sur son voisin européen pour partager le fardeau et... les marchés.

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