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Maroc: Mohammed VI annonce des mesures sociales d’urgence
C’est la réponse du roi à un peuple qui s’impatiente. Face aux manifestations sociales qui secouent régulièrement le pays, le roi a voulu montrer aux Marocains qu’il n’est pas sourd. Il a donné les grandes lignes que le gouvernement doit suivre sur le plan social. Mais s’il faut aider les plus pauvres, Mohammed VI n’accorde pourtant pas sa grâce aux manifestants lourdement condamnés.
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On attendait des mesures de grâce royale pour les condamnés du mouvement de protestation «Hirak» qui a secoué le Rif en 2016 et la région de l’Oriental en 2017. Les principaux activistes ont été condamnés à 20 ans de prison au mois de juin 2018. Signe notable, le roi Mohammed VI était en résidence dans la ville d’Al-Hoceima au nord du pays, cœur des manifestations de 2016. C’est même de là qu’il a prononcé son Discours à la Nation, à l’occasion du 19e anniversaire de son accession au pouvoir.
Or, s’il y a eu plus de 1200 grâces accordées, les membres du Hirak n'en feraient pas partie. Le roi n’a fait aucune allusion aux mouvements sociaux qui ont marqué le pays.
Mais, s’il n’a pas évoqué les manifestations, il a en revanche consacré tout son discours à la politique sociale du pays.
«Au cours de deux décennies, les réalisations accomplies par le Maroc et les acquis engrangés en faveur des Marocains constituent un véritable motif de satisfaction et de fierté. Pourtant, J’ai le sentiment que quelque chose continue à nous faire défaut en matière sociale», a déclaré le roi. Une façon de montrer qu’il n’est pas ignorant des réalités sociales du pays.
Au commencement, la scolarisation
Il fixe au gouvernement trois axes de travail. Notamment celui de travailler sur l’éducation en renforçant les aides à la scolarisation par le biais des transports, de l’internat, des cantines. Car malgré une nette progression de l’accès à l’éducation de base, notée par l’Unicef, il reste encore du travail. Le taux de scolarisation est de 97,4% en primaire, mais il tombe à 87,6% pour le collège.
Le roi est également revenu sur son projet phare, lancé en 2005, l’Initiative nationale pour le Développement humain (INDH). Il s’agissait de «lutter contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale». Le roi évoque la nécessité d’un recentrage des programmes sur le développement humain et l’appui aux catégories en situation difficile.
Un demi-constat d’échec qui fait écho aux violentes manifestations de Jerada ou d’Al-Hoceima. Mais aussi aux morts régulières de femmes-mulets qui passent la frontière de Ceuta, ou à la bousculade mortelle de Sidi Boulaalam lors d’une distribution de nourriture, ou encore au boycott de Danone pour lutter contre la vie chère. Le Maroc est un pays à deux vitesses.
Le «fiasco social»
Mais pour certains, l’INDH n’est pas un demi-échec, c’est un véritable fiasco. Elle engloutit des millions de dirhams pour un piètre résultat. «Avec un budget colossal de 40 milliards de dirhams, équivalent au budget du ministère de l’Economie et des Finances pour quatre années, (…) on espérait beaucoup mieux.» Sur le site Libre Afrique, l’universitaire marocain Ahmed Echchafiy pointe la faiblesse des résultats. Le Maroc est classé au 123e rang mondial pour l’indice de développement humain. Malgré le programme, cet indice n’a quasiment pas bougé: 0,642 en 2005 contre 0,647 en 2016. Pourtant, dix millions de personnes ont bénéficié du programme, 44.000 projets ont été achevés.
Message aux politiques
Tout naturellement, la question de la gouvernance se pose. Le roi plus que jamais réaffirme sa volonté de développer le pays, d’en chasser la misère. Il impute le retard de ce développement à la classe politique et à la bureaucratie. «Il est insensé que plus de cent programmes de soutien et de protection sociale de différents formats, et se voyant affecter des dizaines de milliards de dirhams, soient éparpillés entre plusieurs départements ministériels et de multiples intervenants publics.»
Un plaidoyer lucide, mais un plaidoyer quand même. Il n'y a pas de place pour l'autocritique.
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