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Municipales en Tunisie: les islamistes occupent le terrain à Tunis
La campagne pour les municipales (6 mai 2018), les premières depuis l’indépendance, se termine à Tunis. Les islamistes d’Ennahda y présentent comme tête de liste une femme, Souad Abderrahim. Mais l'évènement est éclipsé par la crainte d’une abstention massive. Le 3 mai, notre envoyé spécial en Tunisie Laurent Ribadeau Dumas a suivi le leader d’Ennahda Rached Ghannouchi dans le souk de la capitale.
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Une rumeur parcourt la petite foule, plus d’hommes que de femmes, rassemblée près de la porte de France, dans le centre de Tunis. Rached Ghannouchi surgit, entouré d’une meute de militants, de photographes et de cerbères.
Tout sourire, il pose pour un selfie avec une jeune femme tout intimidée. S’arrête pour serrer des mains. Avant de s’installer sous un auvent et s’adresser avec un micro aux électeurs. «Ce scrutin est un moment historique. Il ne faut pas en minimiser l’importance», explique-t-il avant d’insister sur la nécessité de voter le 6 mai. Avant de repartir pouir visiter les échoppes et magasins de la médina.
Près de lui se tient Souad Abderrahim, elle aussi un peu intimidée, à la tête d’une liste de 60 personnes (le nombre de membres du futur conseil municipal). Elle est la première à reconnaître la difficulté de mobiliser les électeurs. «Beaucoup de Tunisiens ne savent pas quand auront lieu les élections», observe-t-elle.
«C’est un vrai défi politique: il faut donner de l’espoir», ajoute-t-elle. Et comment faire quand la crise économique s’aggrave et que le chômage est au plus haut, notamment chez les jeunes? «Evidemment, la situation n’est pas très confortable», répond-elle. «Mais il faut distinguer l’économie et le scrutin municipal qui concerne la propreté, les infrastructures et la participation des citoyens à la démocratie locale. Il s’agit par exemple d’embellir le centre de Tunis!»
Du local avant toute chose
Le propos montre la volonté du parti islamiste de mener une campagne locale. Et déconnectée de la politique d’un gouvernement auquel il participe au sein d’une coalition avec le parti Nidaa Tounès (séculaire) du président Béji Caïd Essebsi.
Avec la candidature de Mme Abderrahim comme tête de liste dans la plus grande ville tunisienne, Ennahda montre aussi son habileté politique. Même si la loi oblige les partis à pratiquer la parité. «Ma candidature est une fierté pour les femmes tunisiennes. Elle revêt une importance politique et symbolique», commente l’intéressée.
Si elle est élue maire, qu’entend-elle faire pour promouvoir la liberté des femmes? Par exemple, est-elle favorable à l’égalité homme-femme dans l’héritage, sujet très sensible en Tunisie. «Je suis candidate aux municipales», insiste-t-elle. Histoire de bien préciser que le sujet n’a pas de lien avec le scrutin du 6 mai. «Mais quand j’étais à la commission des droits et libertés à l’Assemblée constituante (la première assemblée élue après la révolution de 2011, NDLR), nous avons bien développé les libertés. Si je suis élue maire, j’entends protéger les acquis des femmes et travailler à les améliorer», poursuit-elle.
Pour l’instant, il est difficile de prévoir l’issue du scrutin dans la capitale. Comme ailleurs. D’autant que les sondages sont interdits. Certaines enquêtes prévoient cependant une très forte abstention (jusqu’à 70% au niveau national!). Certains observateurs pensent qu’à Tunis, Nidaa Tounès précédera Ennahda de quelques points, sans qu’aucun des deux n’obtienne la majorité. La candidate islamiste laisse d’ailleurs entendre qu’on risque d’assister, au sein du futur conseil municipal de la capitale, à un «consensus» entre les deux formations. Un «consensus» à la tunisienne…
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