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Sud-Soudan: «Kiir a provoqué une guerre civile de peur de perdre les élections»

Le Soudan du Sud a basculé dans la guerre civile en 2013, deux ans seulement après la proclamation de l’indépendance du pays. «Pour se maintenir au pouvoir et éviter des élections, le président et ancien rebelle Salva Kiir aurait accusé son vice-président Riek Machar de fomenter un coup d’Etat, provoquant une déflagration entre les ethnies du pays», affirme le journaliste Michel Beuret.
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 2 min
Les deux frères ennemis du Soudan du Sud à l'affiche à Juba après un accord de paix qui n'aura duré que quelques semaines (avril 2016).   (AFP/Albert Gonzalez Farran)

Grand reporter à la Radio Télévision Suisse, spécialiste du Soudan et de l'Afrique de l'Est, Michel Beuret a décrypté le conflit pour Géopolis Afrique. Il participait à la 24e édition du Prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre.

La guerre civile au Soudan du Sud a fait 4 millions de réfugiés et déplacés. Quelles sont, selon vous, les causes de ce conflit?
Elles sont complexes. D’abord, on a confié le pouvoir à des chefs rebelles incapables de gérer ce pays neuf. Les différents clans cherchent à s’accaparer la manne pétrolière, estimée à 4 milliards de dollars par an.

A l’origine de cette guerre civile, il y a le refus du président Salva Kiir de participer aux élections en 2015. L’ancien chef rebelle comprend qu’il peut perdre face à la femme de l’ancien chef rebelle John Garang (de la même ethnie Dinka) ou face à son vice-président et rival Riek Machar. Il accuse alors ce dernier de fomenter à un coup d’Etat. Les généraux de l’armée, proches de Salva Kiir, organisent une attaque contre Riek Machar défendu par la population de l’ethnie Nuer. Tout s’embrase, faisant en quelques jours entre 5000 et 10.000 morts, rien que dans la capitale Juba.
 
Après s’être réfugié en Afrique du Sud, Riek Machar rentre au Soudan du Sud en 2016, où il échappe de nouveau à un attentat. Le compromis devient impossible, le pays s’enfonce alors dans le chaos et guerre civile.
 
L’indépendance du Soudan du Sud avait pourtant soulevé un certain enthousiasme. Aujourd’hui, ce pays semble n’intéresser plus grand monde?
C’est vrai. Jimmy Carter, John Kerry et même George Clooney avaient fait le déplacement le jour de l’indépendance le 9 juillet 2011. Depuis, le silence est tombé sur le Soudan du Sud, car ses principaux parrains se sont trompés de stratégie.

Le 54e Etat d’Afrique est parti sur de très mauvaises bases: un pays sans Etat, ni administration, géré par un groupe de rebelles sans compétences. Un pays très pauvre, où 95% de la population est analphabète. La communauté internationale s’est voilée la face. Elle n'a pas voulue voir que la création d’un Etat stable et démocratique était hors de porté, trop pressée de faire entrer les compagnies américaines et chinoises pour exploiter le pétrole du pays.
 
Quel a été le jeu des grandes puissances?
Par définition, il est caché et complexe. Le Soudan du Sud, par sa position sur la mer Rouge, non loin du canal de Suez, entouré par six pays (RDC, Ouganda, Kenya, Ethiopie, Centrafrique et Soudan) représente à l’évidence une position stratégique pour contrôler l’Afrique de l’Est. C’est un pays clé, producteur et exportateur de pétrole. Plusieurs compagnies chinoises exploitent actuellement le pétrole du pays.

Mais faute de pouvoir s’appuyer sur un régime fiable au Soudan du Sud, les Américains se sont depuis rabibochés avec l’Ethiopie, notamment pour combattre les shebabs somaliens. Et maintenant avec Khartoum (les sanctions viennent d'être levées) et le président Omar el-Béchir, longtemps accusé de soutenir le terrorisme.

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