RDC : "Congo Hold-up" ou les révélations sur le "mode d’emploi d'une kleptocratie" bâtie autour de l'ancien président Joseph Kabila
L'enquête révèle qu'"au moins 138 millions de dollars" de deniers publics ont été détournés par l'entremise de la BGFIBank au profit du clan Kabila.
C’est une enquête inédite sur la corruption en République démocratique du Congo (RDC). "Au moins 138 millions de dollars" ont été détournés par le biais de la banque privée BGFIBank au profit des proches de l'ancien président Joseph Kabila, révèle Congo Hold-Up. L'enquête démontre"comment tout le système congolais – tout le système gouvernemental et financier –, a été accaparé et contrôlé par plusieurs groupes d'intérêt privé au centre desquels l'ancien président Kabila et son entourage", explique à franceinfo Afrique Gabriel Bourdon-Fattal de la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF) qui, avec le site français d'investigation Mediapart, ont obtenu les documents à l'origine de Congo Hold-up. En d'autres termes, résume Gabriel Bourdon-Fattal, "ils ont contrôlé l'Etat congolais pour s'enrichir" sur "la dernière décennie" du mandat de Joseph Kabila au pouvoir de 2001 à 2019.
"Congo Hold-up", radiographie d'une machine à piller
"Congo Hold-up expose comment des intérêts privés se sont emparés des ressources de la RDC" : richesses naturelles, recettes fiscales, ressources de la Commission électorale, de la Banque centrale et des sociétés minières publiques. "D'après les publications à venir, les secteurs bancaire, alimentaire et de la construction, ainsi que la mission permanente du pays auprès des Nations unies, n’ont pas été épargnés", a indiqué le communiqué de la PPLAAF publié le 19 novembre 2021. Selon les révélations du site d'investigation Mediapart, "au moins 138 millions de dollars de l'argent public de la RDC ont transité par la BGFIBank vers des sociétés appartenant au cercle restreint" de l’ancien président Kabila. De même, "environ 105 millions de dollars supplémentaires venant de sources inconnues ont également été crédités sur des comptes liés au même cercle".
Des millions de documents analysés
Des "millions de relevés bancaires, courriels, contrats, factures et des dossiers d’entreprise" ainsi que "les détails de millions de transactions bancaires" ont pu être analysés dans le cadre du consortium d’enquête Congo Hold-up formé par l’European Investigative Collaborations (EIC), cinq organisations non-gouvernementales et 19 médias. Au total, "plus de 3,5 millions de documents de la BGFIBank révèlent comment la banque a ouvert la porte du système bancaire international à des réseaux suspects et a été utilisée par ceux qui ont cherché à corrompre les autorités" de la RDC, a indiqué la PPLAAF. Les documents ont été épluchés par une centaine de contributeurs de 18 pays travaillant avec les medias et les ONG. Congo Hold-up est à ce jour "la plus grande fuite de documents sensibles d’Afrique". "Cette mine de documents (...) expose dans les moindres détails les techniques utilisées par une banque et ses clients pour tenter de dissimuler une corruption systémique", a déclaré Henri Thulliez, directeur de PPLAAF. Ces documents, a-t-il poursuivi, "constituent le véritable mode d’emploi d’une kleptocratie".
BGFIBank, pilier de ce dispositif
BGFIBank RDC est la filiale de la Banque gabono-française internationale (BGFIBank), un établissement bancaire gabonais. "Cette banque en RDC et ailleurs, depuis des années, est le sujet de nombreuses enquêtes", indique Gabriel Bourdon-Fattal. "Au moment des faits, on parle d'une banque qui appartient à 40% à la sœur de Joseph Kabila et qui est dirigée directement par son frère adoptif." "Le groupe bancaire BGFI, qui est connu pour son histoire trouble, marquée par des affaires de corruption impliquant des autocrates et des entreprises européennes, a facilité des stratagèmes frauduleux pour des hommes d’affaires, des politiciens, des financiers présumés du Hezbollah et d’autres", note également le communiqué de la PPLAAF.
Quelles suites ?
"Avec ces nouvelles révélations, il est grand temps que les autorités congolaises et internationales lancent de véritables enquêtes sur ces pratiques qui ont porté préjudice à la population congolaise", plaide Jean-Claude Mputu, porte-parole de la campagne Le Congo n’est pas à vendre, dans le communiqué du PPLAAF.
"Nous attendons que les autorités anti-blanchiment en RDC, mais aussi ailleurs car il y a beaucoup d'autres pays concernés, fassent le nécessaire pour tenir responsables ceux qui sont accusés de malversations et pour récupérer les biens qui ont été volés au peuple congolais", insiste Gabriel Bourdon-Fattal. "Congo Hold-up est une opportunité unique" parce que cela constitue "un élément de preuve historique et chronologique qui est sans précédent", conclut-il.
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