RDC : des manifestations meurtrières mettent la mission de paix de l'ONU sur la sellette
Au moins 19 personnes ont perdu la vie durant les protestations qui ont visé le personnel et les installations de la Monusco.
Quinze personnes tuées dans le Nord-Kivu, dont trois Casques bleus, quatre autres tuées par électrocution lors de la dispersion d'une manifestation à Uvira (Sud-Kivu) : c'est le bilan des manifestations qui ont visé, depuis le 25 juillet, le personnel et les installations de la Mission de l'Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco) dans l'est du pays. Une mission de plus en plus impopulaire.
Vague de protestations
A Goma, Beni, Butembo, Nyamilima, Sake (dans la province du Nord-Kivu) et Uvira, les manifestants ont accusé les Casques bleus d'être inefficaces dans la lutte contre la centaine de groupes armés locaux et étrangers qui ensanglantent la partie orientale de la RDC depuis trois décennies. Ils ont appellé au départ immédiat de la mission.
Une première manifestation avait regroupé une cinquantaine de femmes qui ont marché dans le calme le 22 juillet à Goma où elles n'ont pas pu déposer leur mémorandum au siège local de la mission onusienne, les portes leur étant fermées. Dans ce chef-lieu de la province du Nord-Kivu, des jeunes gens ont pris le relais le 25 juillet. Ils ont forcé les portails du quartier général de la mission et sa base logistique pillant et détruisant tout sur leur passage. Le mouvement s'est poursuivi le lendemain en gagnant d'autres villes provinciales : Beni, Butembo et Nyamilima. Sur les deux jours, une soixantaine de personnes ont été blessées, selon les autorités.
Les manifestants répondaient à un appel des associations et des politiques notamment le mouvement citoyen Lutte pour le changement (Lucha), la jeunesse de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, parti au pouvoir) ou encore au président du Sénat Modeste Bahati qui, de passage dans la région 10 jours plus tôt, avait invité la Monusco à "plier les bagages" et partir après 22 ans de présence en RDC.
Alors que les villes de la province du Sud-Kivu avaient été jusque-là épargnées par cette vague de protestations, un groupe de jeunes a tenté d'assiéger le quartier général de la de la Monusco à Uvira le 27 juillet. Un calme apparent régnait, dans la matinée du 28 juillet, dans les autres villes de l'est de la RDC où la présence des forces de sécurité congolaises était visible.
Condamnation unanime
Le secretaire général des Nations unies António Guterres a condamné "fermement" ces violences "au cours desquelles des individus et des groupes sont entrés de force dans les bases et se sont livrés au pillage et à la destruction des biens des Nations Unies, tout en pillant et en incendiant des résidences du personnel des Nations Unies". Il a souligné, dans un communiqué, "que toute attaque dirigée contre les Casques bleus des Nations Unies peut constituer un crime de guerre, et (appelé) les autorités congolaises à enquêter sur ces incidents et à traduire rapidement les responsables en justice",
Le ministre congolais de la Communication et porte-parole du gouvernement Patrick Muyaya a également "fermement" condamné ces attaques et indiqué que "les responsables (seraient) poursuivis et sévèrement sanctionnés". Les autorités congolaises ont assuré, le 26 juillet, qu'une enquête conjointe avec la mission onusienne serait menée pour établir les responsabilités. Le Conseil de sécurité des Nations unies, les Etats-Unis et la France ont également condamné ces violences contre les Casques bleus.
#RDC : Le Gouvernement suit de près la situation à #Goma consécutive à l’appel à manifester contre la @MONUSCO. Il condamne fermement toute forme d’attaque contre le personnel et les installations des Nations Unies. Les responsables seront poursuivis et sévèrement sanctionnés.
— Patrick Muyaya (@PatrickMuyaya) July 25, 2022
Depuis lundi, des leaders d'opinion en RDC, des organisations internationales et d'autres gouvernements étrangers ont multiplié les appels au calme. Dans un communiqué, la conférence épiscopale de la RDC a ainsi "(condamné) fermement toute violence qui a prévalu durant les manifestation". Mais elle dit aussi comprendre "la colère des compatriotes qui participent à ces manifestations" et "comme eux, elle estime que le gouvernement (congolais) et la Monusco ont montré leurs limites dans leur mission de sécuriser les populations exposées aux attaques des groupes armés" en RDC.
Une mission "en phase de retrait"
"Il est tout à fait possible que les manifestants contre la Monusco aient été manipulés. Mais ce qui est clair c'est que la mission a perdu beaucoup de popularité", a analysé sur Twitter Jason Stearns chef des experts du Groupe d'Etudes sur le Congo (GEC, rattaché à l'Université de New-York). Il a ajouté que les opinions favorables au maintien de la présence de la Monusco en RDC sont passées de 55,1% en 2016 à 44,7% aujourd'hui.
Il est tout à fait possible que les manifestants contre la @MONUSCO aient été manipulés. Mais ce qui est clair c’est que la mission a perdu bcp de popularité. Nos sondages aves BERCI le montrent: pic.twitter.com/0cIRddpHsg
— Jason Stearns (@jasonkstearns) July 27, 2022
En RDC depuis 1999, la Monusco est l'une des plus importantes et les plus coûteuses missions de l'ONU au monde. Aujourd'hui présente dans la partie orientale du territoire congolais (dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri), elle compte plus de 14 000 soldats de la paix, avec un budget annuel d'un milliard de dollars. "Notre souhait le plus ardent, c'est de voir l'est (de la RDC) stabilisé", a assuré le 26 juillet Khassim Diagne, chef-adjoint de la Monusco, lors d'une conférence de presse conjointe avec le ministre congolais de la Communication.
Il a également précisé que la mission de l'ONU était "en phase de retrait". "Nous venons de nous retirer de la province du Tanganyika (...) le 30 juin 2022. Notre retrait du Tanganyika entre dans le cadre d’un projet pilote du plan général de retrait de la Mission", a indiqué Khassim Diagne.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.