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RDC: la guerre de l’ivoire fait rage dans le parc de la Garamba

L’immense parc national de la Garamba, aux confins nord-est de la RDC, à la frontière avec le Soudan du Sud est devenu un terrain de chasse pour les groupes armés. Ils viennent du Soudan du Sud, ravagé par la guerre civile, mais aussi de Centrafrique, base-arrière de la sanguinaire rébellion ougandaise de la LRA. Des braconniers prêts à tout pour tuer et se procurer des défenses d’éléphants.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Un éléphant équipé d'un système de positionnement géographique. Le collier GPS qu'il porte permet de suivre ses déplacements dans l'immense parc national de la Garamba. (Photo AFP/Tony Karumba)

C’est le deuxième plus vieux parc d’Afrique, après celui des Virunga connu pour ses gorilles de montagne. Le parc de la Garamba s’étend sur 120 km de long et 100 km de large. Un sanctuaire pour les animaux classé patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1980.
 
Le site n’attire plus les touristes. Et pour cause. Il est devenu un terrain de chasse où se poursuit une véritable guerre de l’ivoire. Les 120 gardes du parc sont totalement débordés. Quatre d’entre eux ont été tués par les braconniers en 2015.
 
Au cœur d’une région troublée d’Afrique
Le parc de la Garamba se trouve dans l’une des parties les plus troublées d’Afrique, au confluent de nombreux conflits.
 
Au Nord, le Soudan du Sud est ravagé par la guerre civile depuis 2013. La République centrafricaine voisine peine à sortir de trois ans de violences intercommunautaires. L’Est de la RDC reste gangrené par les groupes armés.
 
Autant de conflits qui ont débordé sur le parc de la Garamba où des hommes en armes paradent à la recherche de défenses d’éléphants.
 
Selon le directeur du site, Reik Maravy, c’est le Soudan du Sud qui fournit le plus gros contingent de braconniers : «Je considère le Soudan du Sud dans son ensemble comme un groupe armé. Environ 80% des éléphants tués dans le parc le sont par des groupes armés sud-soudanais», explique-t-il à l’AFP.
 
Les patrouilles de rangers ont été renforcées dans le parc de la Garamba. La surveillance aérienne aussi, dans le but d'endiguer les incursions de braconniers. (Photo AFP/Tony Karumba)

L’année 2015 a été éprouvante
«Nous nous battons contre des groupes vraiment dangereux. Ce sont des soldats. C’est une vraie guerre», résume Somba Ghislain, responsable adjoint du parc.
 
Rien qu’en 2015, les braconniers ont abattu 114 éléphants. C’est près de 10% de la population de pachydermes du parc. Trois gardes et un soldat congolais ont été tués. Certains braconniers disposent de gros moyens et n’hésitent pas à attaquer à bord d’hélicoptères. La dernière attaque remonte à août 2015, mais le premier incident est survenu en 2012. Les braconniers avaient éliminé 22 pachydermes en deux jours, tous tués d’une balle dans la tête, tirée depuis les airs.
 
«Jusqu’à présent, nous ne savons pas d’où viennent ces hélicoptères, mais nous enquêtons», explique Somba Ghislain, responsable adjoint du parc.
 
Il y a quarante ans, le parc de la Garamba abritait près de 500 rhinocéros blancs, 23.000 éléphants et 350 girafes. Aujourd’hui, les rhinocéros ont disparu, il reste seulement 38 girafes et moins de 1500 éléphants.
 
Pour les rebellions installées dans la région, le trafic d’ivoire permet l’achat d’armes et de munitions. Un trafic juteux qui alimente un commerce illégal à destination de l’Asie, notamment de la Chine où le kilo d’ivoire se négocie environ 1.000 euros. Certaines défenses d’éléphants peuvent peser plus de 30 kilos.
 
Des défenses d'éléphants confisquées aux braconniers. Parc national de la Garamba en République Démocratique du Congo. (Photo AFP/Tony Karumba)

La bataille pour la survie du parc
Depuis 2005, une organisation sud-africaine de défense de la nature, African Parks, a commencé à cogérer le parc de la Garamba avec les autorités congolaises.
 
Aujourd’hui, le site dispose de 120 gardes. C’est le quart de ce qu’il faudrait pour surveiller efficacement les 12.400 km² de forêts et de savane.
Leur arsenal est essentiellement composé de kalachnikovs usées, mal adaptées à la forêt et aux hautes herbes.
 
«Dans la brousse, vous ne voyez rien au-delà de 20 m, et la plupart des combats se livrent à dix mètres. Il nous faut des fusils à canon scié», explique à l’AFP, le conseiller sécurité du parc, Peter Philippot.
 
Des instructeurs d’une compagnie de sécurité sud-africaine ont été mis à contribution pour la formation des gardes du parc. L’objectif est d’en faire des tireurs d’élite, mieux armés pour affronter cette guerre de l’ivoire qui fait des ravages dans le parc de Garamba.

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