: Témoignage "La France sait qu'elle doit se repentir" : Biram Senghor, descendant d'un tirailleur sénégalais tué il y a 80 ans, demande justice
Pour la première fois jeudi 28 novembre, un chef de l’État français, Emmanuel Macron, a reconnu que ce qu’il s’est passé il y a 80 ans, le 1er décembre 1944, au camp militaire de Thiaroye, dans la banlieue de Dakar, est un "massacre". Ce jour-là, 35 tirailleurs sénégalais sont exécutés, selon les chiffres officiels, dix fois plus selon les historiens.
Un massacre commandité par les autorités coloniales françaises contre des soldats tout juste rentrés de France, où ils avaient combattu pendant la Seconde Guerre mondiale, parce qu’ils réclamaient le paiement de leur solde. Une chape de plomb entretenue par la France a longtemps couvert ces événements, mais les choses évoluent. Alors que le pays commémore dimanche ce massacre, franceinfo a rencontré le seul descendant vivant connu d'une victime, aujourd’hui âgé de 86 ans.
Silence assourdissant
80 ans après, un mélange de colère et d’incompréhension anime toujours Biram Senghor, un homme pratiquement aveugle et qui marche désormais avec une canne. Son père M’Bap Senghor était parmi les tirailleurs tués à Thiaroye sur ordre des autorités françaises. "Cette histoire de la France, quand on y réfléchit bien, les gens qui ont fait ça sont des ingrats ! Les militaires sont partis les aider, ils reviennent, on leur retire tous leurs droits."
"Le gouverneur a préféré les massacrer pour asseoir l'autorité française sur les Africains. C'est inhumain, c'est lâche !"
Biram Senghor, fils d'un tirailleur sénégalais exécutéà franceinfo
Une lâcheté qui s’est longtemps accompagnée d’un silence assourdissant. Mais Biram Senghor ne s’est jamais résigné. "En 1972, j'ai dit non ! J'ai écrit au président de la République [du Sénégal] Léopold Sédar Senghor pour lui demander que la France paye. Mais il ne m'a pas répondu. En 1982, j'ai écrit au président François Mitterrand qui m'a répondu en me disant : 'Votre lettre, on va l'envoyer au ministère de la Défense', et celui-ci m'a répondu qu'ils étaient en train de faire des recherches. Et depuis, ils n'ont pas donné suite."
Payer "la dette de sang"
Il y a aussi des avancées, comme en 2014, avec la remise d’archives sur le sujet au Sénégal, la mention "morts pour la France" attribuée à six tirailleurs exécutés à Thiaroye, dont M’Bap Senghor en juillet, et la reconnaissance pour la première fois d’un "massacre" par Emmanuel Macron.
Mais l’État français doit aller plus loin, insiste Biram Senghor. "La France sait qu'elle doit se repentir, elle a fait du mal, elle n'a qu'à présenter ses excuses aux pays africains." Présenter des excuses, mais aussi verser des indemnisations. "Je demande au président Macron de me payer la vie de mon père que la France a ôtée, de saisir son gouvernement et de payer aux Africains la dette de sang que la France leur doit. La France ne peut pas être une nation au-dessus des autres et qui fait ce qu'elle veut !"
Biram Senghor assistera dimanche, à Thiaroye, aux commémorations officielles pour montrer à la France qu’ici personne n’oublie ce qu’elle a fait ce 1er décembre 1944.
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