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Déni de droits et violences font des femmes les victimes des inégalités persistantes en Afrique de l'Ouest et dans le Sahel

Leur contribution économique et sociale dans le secteur agro-alimentaire est souvent prépondérant. Mais en Afrique de l'Ouest, région où les gouvernants sont peu engagés dans la lutte contre les inégalités, la précarité reste le lot des femmes. 

Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des femmes en cariole sur le marché de Gorom Gorom, au Burkina Faso.  (PHILIPPE ROY / PHILIPPE ROY)

"Les 22 hommes les plus fortunés au monde possèdent plus que l'ensemble de la population féminine d'Afrique." C'est l'un des constats du dernier rapport d'Oxfam sur les inégalités dans le monde, intitulé Celles qui comptent et publié le 20 janvier 2020 à la veille du sommet de Davos. Si dans le monde, "les hommes détiennent 50% de richesses de plus que les femmes", les femmes qui vivent en Afrique de l'Ouest et dans le Sahel comptent parmi les plus dépourvues. D'autant que la région Ouest du continent a été identifiée comme étant la moins efficace dans la lutte contre les inégalités, selon l'indice de l'Engagement à la réduction des inégalités (ERI), élaboré par Oxfam et Development Finance International (DFI). "L'Afrique de l’Ouest est la région la moins engagée à réduire les inégalités alors qu’elle enregistre la plus forte croissance du continent", explique Robin Guittard, reponsable de campagne à Oxfam France.

Croissance forte, mais pas inclusive

Et plus ils sont riches, plus ils sont inégalitaires, comme l'indique leur coefficient de Gini, qui mesure l'écart de répartition de revenus à l'intérieur d'un pays (0 étant l'égalité absolue et 100, l'inégalité absolue). "En 2018, six des dix pays à la croissance économique la plus rapide du continent africain se trouvaient en Afrique de l'Ouest (Côte d'Ivoire, Sénégal, Ghana, Burkina Faso, Bénin et Niger)", indique l'enquête de l'ONG sur les inégalités dans la région parue en juillet 2019. Une croissance finalement "très peu inclusive". Le Sénégal, la Côte d'Ivoire, le Nigeria et le Ghana comptent parmi les plus inégalitaires de la zone, selon leur index de Gini qui tourne autour de 40. 

Inégalités croissantes en Afrique de l'Ouest et au Sahel (octobre 2019) (CLUB DU SAHEL ET DE L'AFRIQUE DE L'OUEST (OCDE))

Les plus démunis sont les premières victimes des inégalités sociales et "les femmes sont surreprésentées dans les groupes les plus pauvres", note Robin Guittard. Le rapport d'Oxfam sur les inégalités en Afrique de l'Ouest indique ainsi qu'au Nigeria, la première économie du continent et de la région, "une femme d'une famille pauvre est 26 fois plus susceptible de n’avoir jamais été scolarisée qu’une femme de famille riche, et au Ghana, une fille de famille pauvre est 14 fois plus susceptible de n’être jamais allée à l’école, qu’une fille de famille riche"

Pas d'accès à la propriété foncière, mais indispensables à la chaîne agro-alimentaire

"Les inégalités hommes-femmes sont l’une des inégalités les plus structurantes", particulièrement en Afrique de l’Ouest et dans le Sahel, poursuit Robin Guittard. Répondre à cette problématique de la réduction des inégalités dans ces régions suppose, insiste-t-il, "une sensibilité à celles qui persistent entre les hommes et les femmes""Au Mali, au Burkina Faso et au Sénégal, 40% de la main d’œuvre agricole est constituée par les femmes, alors que seulement 10% possèdent des terres cultivables."

Les coutumes, qui entravent leur accès à la propriété foncière, ont également un impact sur leur activité, prépondérante, dans l'économie alimentaire en Afrique de l'Ouest. Selon une enquête du Club de l'Afrique de l'Ouest et du Sahel de l'OCDE, les femmes représentent "80% de l'emploi du secteur de la transformation des produits agricoles, 70% de celui de la commercialisation et près de 90% de la vente de produits agricoles prêts à être consommés dans la rue". En dépit de ce rôle très actif, les contraintes sociales les empêchent d'exercer et de développer convenablement leurs activités commerciales. 

Privées de leurs droits

De même, "le mariage et le divorce, l’autorité parentale, les droits à l’héritage, sont régis par des règles de droit ou informelles, des normes et des pratiques sociales qui sont très défavorables aux femmes, note Oxfam. Le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad comptent notamment parmi les pays où le taux de mariages précoces est le plus élevé dans le monde, atteignant 76 % au Niger. Des pratiques qui sont souvent corrélées aux inégalités socio-économiques." 

Par ailleurs, les femmes sont les premières victimes de violences. "Au Mali, par exemple, 9 femmes sur 10 ont subi des mutilations génitales. Les cercles de violence dans lesquels les femmes sont prises depuis des siècles et des décennies a un impact sur leur accès aux ressources économiques et à leurs droits sociaux", résume Robin Guittard. 

Pas de droit et pas de ressources alors que les femmes et les filles, comme partout dans le monde, abattent des "milliards d’heures de travail de soin, non rémunéré ou peu rémunéré". "Prendre soin des autres, cuisiner, nettoyer, aller chercher de l’eau et du bois de chauffage sont des tâches essentielles au bien-être des sociétés et des communautés ainsi qu’au bon fonctionnement d’une économie", rappelle le rapport d'Oxfam. "Les femmes réalisent plus des trois quarts du travail non rémunéré et représentent deux tiers de la main-d’œuvre assurant un travail de soin rémunéré."

Dans le Sahel, la crise sécuritaire que connaît la région prend également racine dans toutes les inégalités socio-économiques, "dans ce sentiment d’injustice et de défiance vis-à-vis de l’Etat", souligne Robin Guittard. Par conséquent, il faut "une réponse articulée", "changer de curseur" pour parvenir à "recréer du contrat social dans ces Etats". Un contrat social qui veille, entre autres, à garantir les droits des femmes.

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