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En Afrique du Sud, la difficile mission de rendre leur identité aux morts anonymes

Dans les morgues encombrées de Johannesburg, un cadavre sur dix n'est jamais identifié.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Temps de lecture : 2 min
Le cercueil d'une femme noire non identifiée, ainsi qu'il est écrit sur le couvercle, sur le point d'être mis en terre dans le cimetière d'Olifantsvlei, près de Johannesburg, le 27 février 2019. (GUILLEM SARTORIO / AFP)

Au cimetière d'Olifantsvlei, près de Johannesburg, c'est la routine. Comme chaque mois, les pompes funèbres enterrent de modestes cercueils contenant des cadavres anonymes, note l'AFP. "Femme noire adulte", "Homme blanc adulte" sont les seules mentions visibles.

En Afrique du Sud, les morgues débordent sous l’afflux de corps qui ne sont jamais réclamés. Dans la seule province du Gauteng, la plus peuplée d'Afrique du Sud, où se trouve Johannesburg, un millier de personnes finissent chaque année dans les chambres froides sans que personne ne les réclame.

"C'est un chiffre incroyablement élevé", souligne le professeur Jeanine Vellema, qui dirige l'institut médico-légal de l'université Wits et supervise les 11 morgues publiques de la province. La seule solution : essayer d'identifier les défunts pour permettre à leurs familles de faire le deuil.

Cicatrices, scarifications tribales, tous les indices sont examinés

Dans la morgue de Hillbrow, où s'est rendue l'AFP, des volontaires de la faculté, présents deux jours par semaine, sortent ainsi un corps de la chambre froide, le transportent sur un brancard, laissant parfois derrière lui une mince coulée de sang, vers une pièce où pendant plusieurs heures, tous les indices pouvant aider à l'identifier vont être méticuleusement recueillis : empreintes digitales et dentaires, tatouages, scarifications tribales, cicatrices...

La tâche est cependant ardue. Beaucoup de ces corps sont ceux d'immigrés clandestins, selon l'institut médico-légal. On ne trouve pas de documentation officielle sur eux. L'Afrique du Sud, première économie du continent, est en tête des pays d'accueil de la migration intra-africaine officielle. Elle est vue comme un eldorado par des centaines de milliers de migrants venus de toute l'Afrique. En situation régulière ou non.

"Nous avions peur de ne pas pouvoir en identifier un seul"

Dans ce dernier cas, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) aide l'Afrique du Sud à comparer les éléments collectés avec des informations sur des personnes considérées comme disparues dans des pays voisins, comme le Zimbabwe et le Mozambique. "Un cadavre non identifié ne nous révèle pas grand chose sur son origine", reconnaît Stephen Fonseca, un expert médico-légal travaillant avec le CICR. Et "la morgue n'est pas extensible, c'est vraiment dur pour les autorités locales de gérer le nombre de corps qu'ils reçoivent", poursuit-il.

Les volontaires de l'université parviennent néanmoins à identifier quelque 40% des corps de la morgue de Hillbrow qui leur sont confiés, soit un total d'environ 16 par mois. "C'est un très bon taux de réussite", assure Trish-Jean Mahon, membre de l'équipe médico-légale. "Quand le projet (avec le CICR) a été lancé, nous avions peur de ne pas arriver à en identifier un seul!".

La plupart des morts sont des victimes d'accidents, de meurtres ou encore de poussées xénophobes et anti-panafricaines. Ces cadavres sont dépourvus de papiers d'identité, ou alors munis de faux documents, dans un pays qui connaît l'un des taux d'homicides les plus élevés au monde - 57 tués par jour - , alors que l'Afrique du Sud compte 57 millions d'habitants.

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