L’Ethiopie à la peine à l’heure du coronavirus
L'économie du pays subit les conséquences de l'épidémie mondiale de Covid-19.
Deuxième pays le plus peuplé d’Afrique avec quelque 110 millions d’habitants, l’Ethiopie n’avait déclaré, au 4 mai 2020, que 133 cas de coronavirus et trois décès, selon des chiffres officiels cités par Reuters. En mars, le gouvernement a fermé ses frontières et imposé une quarantaine aux voyageurs rentrant sur le territoire éthiopien. Début avril, il a instauré l’état d’urgence sans imposer le confinement.
Des milliers de migrants éthiopiens, expulsés d’Arabie saoudite, de Djibouti ou de Somalie, ont été placés en quarantaine dans des locaux universitaires pour une période de 14 jours. Selon un document interne de l’ONU qu’a pu consulter Reuters, l’Arabie saoudite pourrait procéder à l’expulsion de quelque 200 000 Ethiopiens. On estime que plusieurs dizaines de milliers d’Ethiopiens émigrent chaque année, notamment dans les pays du Golfe à la recherche d’un emploi. Beaucoup travaillent dans le bâtiment ou comme employés de maison.
"On craint toujours que les migrants répandent la maladie. Mais on n’a pas de preuve allant dans ce sens", a expliqué Maureen Achieng, cheffe de mission de l'Office international des migrations (OIM), une agence de l’ONU, en Ethiopie. Il faut faire en sorte "qu’il n’y ait pas d’amalgame entre la maladie et les migrants", a-t-elle ajouté.
De leur côté, en mars, les autorités éthiopiennes ont appelé leurs concitoyens à davantage de tolérance envers les étrangers, comme le rappelle RFI. "Le virus n'est pas lié à une nationalité ou un pays", a tenu à rappeler le Premier ministre Abiy Ahmed. Des incidents ont été signalés. RFI a ainsi cité le cas d’une Française empêchée de monter dans des taxis. Et des diplomates ont fait état de jets de pierre contre des étrangers.
Familles expulsées de leurs logements
Dans le même temps, des centaines de personnes ont été expulsées de leur logement à Addis Abeba, selon des associations de droits de l’Homme. Ces personnes, souvent des travailleurs journaliers qui ont perdu leur travail en raison des restrictions imposées par le Covid-19, se retrouvent ainsi sans abri. Selon les autorités, ces familles étaient installées illégalement. Ces dernières disent être propriétaires et avoir les documents qui le prouvent. "Elles ont expliqué (…) qu’elles passent à présent des nuits blanches, car les autorités confisquent systématiquement (…) les bâches en plastique qu’elles utilisent pour se protéger des fortes pluies", rapporte Amnesty International.
Peu de données socio-économiques circulent sur l’ampleur de la crise liée au coronavirus. Mais celle-ci a notamment des effets sur l’activité touristique. Une activité qui a permis d’accueillir 850 000 visiteurs sur la saison 2018-2019 et qui est une "source cruciale de devises étrangères", rappelle Le Monde. "Les hôtels ont vu leur activité chuter de moitié et des milliers de professionnels, guides, cuisiniers ou chauffeurs, se retrouvent au chômage", signale le journal.
Le Premier ministre a annoncé une aide d’un demi-milliard de dollars à l’économie. Autre preuve que celle-ci n’est pas au mieux de sa forme : le Fonds monétaire international a annoncé le 30 avril avoir déboursé 411 millions de dollars pour aider Addis Abeba à combattre l'impact de la pandémie. Le pays profitera également des mesures d'allègement de la dette des Etats les plus pauvres adoptées le 13 avril par le FMI. Ce qui représente quelque 12 millions de dollars.
Les chiffres sont-ils fiables ?
Reste à savoir pourquoi il y a, au moins officiellement, aussi peu de cas de coronavirus en Ethiopie. Les chiffres fournis par les autorités sont-ils fiables ? "La population a été très peu testée", explique Nice-Matin qui cite le témoignage plutôt curieux d’un enseignant français qui vit à Addis Abeba.
"En janvier, on a tous eu la grippe. (…) Rétrospectivement, plein de gens en Ethiopie ont le sentiment d’avoir eu le Covid-19 avant le reste de la planète : les symptômes étaient les mêmes...", a-t-il raconté au journal français. Des proches qui travaillent dans le secteur de la santé "ont aussi observé l’augmentation du nombre de cas de patients fiévreux et diminués par une toux sèche". "En janvier, c’est la saison sèche, il n’y aucune raison d’avoir ce genre de virus. Aucun docteur ne pouvait alors donner de nom à ce 'nouveau type de grippe' qui circulait en dehors de toute saisonnalité", dit l’enseignant. Et d’ajouter : "Nous n’avons pas observé de surmortalité, les hôpitaux n’ont pas été assaillis."
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