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Mali : le fils de l'ex-président Keïta visé par une enquête sur la disparition d'un journaliste

Un mandat d’arrêt international a été émis à l'encontre de l'ancien député influent.

Article rédigé par Eléonore Abou Ez
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
L'ancien député Karim Keïta, président de la commission de la Défense, de la Sécurité et de la Protection civile à l'Assemblée nationale, par ailleurs fils du chef de l'Etat Ibrahim Boubacar Keïta dit IBK, en juillet  2018. (MICHELE CATTANI / AFP)

La justice malienne réclame que Karim Keïta "vienne s’expliquer" sur la disparition en 2016 de Birma Touré, un journaliste d'investigation. Le fils de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a trouvé refuge en Côte d'Ivoire depuis le coup d’Etat qui a renversé son père en août 2020.

Une disparition mystérieuse

L'enquête visant le fils de l’ancien numéro 1 du Mali concerne la disparition d’un journaliste d'investigation qui travaillait pour l'hebdomadaire Le Sphinx. Birma Touré a été vu pour la dernière fois le 29 janvier 2016. Depuis, rien. Ses proches craignent qu'il n'ait été assassiné. Dans quelles conditions et pourquoi ? Impossible de savoir puisque l’enquête avait été bâclée et certains témoins clés n’ont jamais été entendus. Parmi eux, le fils de l’ancien président Ibrahim Keïta, qui vit désormais en Côte d’Ivoire. Il est visé par un mandat d’arrêt international.

"Nous ne connaissons pas les faits nouveaux qui justifient ce mandat d'arrêt. Je n'ai pas pu avoir accès à ce dossier"

Yaro Kalifa, un des avocats de Karim Keïta

à l'AFP

Un "fils de" très influent

Karim Keïta, 44 ans, a toujours fermement démenti toute implication dans la disparition du journaliste et il a été cru sur parole. Il n’a jamais été entendu par la justice de son pays. C’est quasiment impensable au Mali lorsqu’on est le fils du chef de l’Etat. De plus, Karim Keïta, qui était  député, président de la commission de la Défense, de la Sécurité et de la Protection civile à l'Assemblée nationale, a toujours mis en avant son immunité parlementaire.

Mais aujourd’hui, il n’a plus de mandat et son père a été écarté du pouvoir. Ce sont sans doute ces éléments nouveaux qui permettent la reprise de l’enquête. Le juge d’instruction du tribunal qui a sollicité et obtenu le soutien d’Interpol est en tout cas convaincu que son témoignage est important. Cette conviction est partagée par l’organisation Reporters sans Frontières (RSF).

"Si nous voulons savoir ce qui est arrivé à ce journaliste porté disparu et donné mort par certaines sources, il est essentiel que Karim Keïta dise ce qu'il sait, compte tenu des liens qu'il a avec cette affaire"

Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de Reporters sans Frontières

Le journaliste "torturé", puis "exécuté" ?

L'ONG RSF se base sur le témoignage, en 2019, d'un homme affirmant avoir été détenu avec le journaliste dans une prison secrète de la sécurité de l'Etat, les services du renseignement maliens. Selon ce témoin, le journaliste Birma Touré a été torturé pendant plusieurs mois, avant d'être exécuté "de trois coups de feu" à la fin de l'année 2016.

Au moment de sa disparition, Birma Touré avait commencé à enquêter sur une liaison qu’aurait entretenu Karim Keïta avec la femme de l’un de ses amis. Son ancien patron, le directeur de publication du Sphinx Adama Dramé qui a travaillé pendant près de 20 ans avec lui, est persuadé que cette enquête est à l’origine de sa disparition. Ce dernier a dû lui-même quitter le Mali suite à des menaces liées à cette affaire, comme il l’a expliqué dans une interview à TV5.

Selon RSF, le Mali reste un pays dangereux pour l’exercice du journalisme. Deux journalistes de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, y ont été assassinés en 2013. Le journaliste français Olivier Dubois y est otage d’un groupe armé depuis le 8 avril dernier.

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