Maroc : "Hshouma", une BD manifeste en faveur de la liberté sexuelle
Le Maroc, comme d'autres pays arabo-musulmans notamment, a mal à sa sexualité. La dessinatrice Zainab Fasiki aborde tous les sujets du corps dans une sorte de manuel d'éducation sexuelle.
"Dans mon pays, nos corps et les relations sexuelles sont normés par les lois de l’Etat, mais aussi par l’islam, la culture marocaine, les traditions familiales et la société (...), c’est toujours 'hshouma', c'est-à-dire honteux et illégal d’exprimer librement sa pensée." Celle qui s'exprime ainsi, c'est Zainab Fasiki. Cette ingénieure marocaine, devenue auteure et dessinatrice, née à Fès il y a 25 ans, le fait dans une BD qui est tout autant une sorte de cri du cœur qu'un plaidoyer pour la liberté sexuelle de tous les Marocains, et notamment les femmes.
Le livre, qui s'appelle Hsouma (honte) est un ouvrage original. Il ressemble à une bande dessinée puisque l'auteure s'exprime largement grâce à ses dessins très graphiques, aux lignes crues et efficaces. Mais le texte entièrement à la première personne fait du livre une sorte de manifeste pour la liberté des mœurs, de la sexualité, de l'amour, et dénonce une société corsetée, génératrice de frustrations et de violences.
Maintenant dans la société, je suis vue comme une salope !
Zainab Fasiki"Hshouma"
Le message est clair. "Je ne combats pas les idées reçues dans mon pays dans le but de m’amuser... Si vous pensez que j’exagère, j’aimerais que vous soyez une femme au Maroc le temps d’une journée. Puis vous me raconterez comment vous avez trouvé cette expérience (...) Si je prends la plume, ce n’est pas pour le plaisir de critiquer ma société, mais parce que je veux qu’elle soit meilleure, qu’elle soit fondée sur la paix, laissant vivre chacun comme il l’entend, et bien sûr, parce que j’aime le Maroc et les Marocains".
Sexualité, homosexualité, virginité, plaisir, mariage, violences sexuelles... Zainab Fasiki aborde tous les sujets du corps dans ce manuel d'éducation sexuelle d'un nouveau genre accompagné de dessins en trois couleurs : rouge, blanc et noir.
C'est ainsi que dans le chapitre intitulé "Frustration", l'auteure écrit : "Alors que l’acte sexuel devrait être un plaisir, un besoin biologique et un droit fondamental, au Maroc, il ne peut avoir lieu légalement que dans le cadre du couple marié hétérosexuel. Pour moi, cette restriction est en partie responsable de la violence (verbale et physique) qui se répand dans ma société."
Zainab Fasiki ne veut pas choquer. Malgré ses dessins souvent crus et ses propos directs, elle affirme respecter les croyances qui existent au Maroc et veut inscrire son discours dans celui des droits de l'Homme.
"Je suis heureuse d’avoir eu la chance de parler, dans ce livre, de ce que j’ai vécu et observé dans ma société marocaine bien-aimée. C’est parce que j’aime mon pays et ma culture que je suis prête à faire tout ce que je peux pour dénoncer les tabous qui font chaque jour des victimes et dire ce que la plupart des Marocains ne peuvent pas exprimer", affirme-t-elle.
Un bel ouvrage, un beau cri du cœur... à lire sans "hshouma".
"Hshouma", de Zainab Fasiki
Editions Florent Massot
(114 pages, 19,90 euros)
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