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Combats au Soudan : "Sans médicament de base, on craint une grave crise sanitaire", alerte un humanitaire

Alors que le conflit entre paramilitaires et armée régulière se poursuit, Mirko Zappacosta, chef de mission pour l'ONG Première urgence internationale, s'inquiète de la situation "de pire en pire" sur place.
Article rédigé par Pierre-Louis Caron - propos recueillis par
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Un panache de fumée s'échappe d'un quartier de Khartoum (Soudan), le 1er mai 2023. (AFP)

Ils craignent un effondrement du système de santé. Autorités sanitaires et organisations humanitaires alertent sur l'accès aux soins de plus en plus difficile au Soudan alors que le pays est secoué par une violente lutte de pouvoir entre deux généraux. Selon le Syndicat des médecins soudanais, les principaux hôpitaux du pays pourraient ne plus fonctionner, d'ici la fin de la semaine, faute d'aide extérieure. "Nous condamnons fermement les violations de la trêve", ont-ils par ailleurs déclaré sur Facebook lundi 1er mai, au sujet du second cessez-le-feu négocié avec l'aide des Etats-Unis.

>> Soudan : qui sont les deux généraux qui plongent le pays dans le chaos ?

Alors que les combats continuent de faire rage, mardi 2 mai, principalement autour de la capitale Khartoum, des dizaines de milliers de personnes ont fui vers des provinces voisines, moins affectées par le conflit. Un afflux de réfugiés qui aggrave fortement le risque de pénuries, comme l'explique Mirko Zappacosta, chef de mission au Soudan de l'organisation Première urgence internationale.

Franceinfo : L'Organisation mondiale de la santé évoque une "catastrophe" sanitaire au Soudan, comment décririez-vous la situation sur place ?

Mirko Zappacosta : Elle est effectivement très critique. Les hôpitaux du pays sont en train de recevoir beaucoup de blessés, des civils qui échappent aux combats, à des niveaux bien plus élevés que ce qu'ils peuvent gérer. A Khartoum, les miliciens contrôlent une bonne partie de la ville. Mais en plus des combats de rue, ils se font bombarder par l'armée, c'est très violent. Le 15 avril, nos équipes avaient été réveillées par les bruits des combats. Nous-mêmes, nous avons reçu des tirs dans nos appartements, des balles dans les murs. Nous avons donc dû relocaliser nos efforts à Gedaref [dans l'est du pays, à la frontière avec l'Ethiopie], ce qui permet aussi d'accueillir les flux de réfugiés.

Avez-vous vu arriver des blessés de guerre dans vos centres de soins ? De quoi souffrent-ils ?

Nous n'avons pas encore assez de recul pour évoquer cette situation. On s'attend bien sûr à des blessures par balles, des traumatismes importants. Avant le début du conflit, Khartoum était une capitale très sûre et nos équipes ne sont pas forcément habituées à traiter ce type de blessures. Le gros problème, c'est que l'on manque déjà de tout.

"Les médicaments de base, les gants, les produits antiseptiques : tous les stocks sont en train d'être épuisés et on ne voit pas bien comment on va réussir à en faire venir de nouveau, c'est de pire en pire."

Mirko Zappacosta

à franceinfo

On voit aussi s'allonger les files d'attente aux stations-service, l'essence vient à manquer. Heureusement, les Soudanais des régions plus calmes, comme ici à Gedaref, ont fait preuve d'une grande solidarité avec les réfugiés. On les a vus sortir de chez eux pour distribuer de l'eau et de la nourriture par exemple. Mais sans médicament de base, on craint une grave crise sanitaire. Le paludisme, par exemple, qui touche plus d'un million de personnes au Soudan chaque année, pourrait faire énormément de morts cette fois-ci.

Certains, comme l'ancien Premier ministre soudanais Abdallah Hamdok, craignent que ce conflit ne dégénère en guerre civile. Est-ce que vous vous préparez à cette éventualité ?

Nous espérons vraiment que ce ne sera pas le cas, et que la région de Gedaref par exemple va rester épargnée afin que l'on organise les soins. Nous sommes en train de nous organiser pour monter en puissance, car la situation nous l'impose. Mais pour cela, il faut pouvoir faire venir des équipes de l'étranger. C'est difficile et nous sommes en train de négocier des facilitations de visas avec les Nations unies. Il faut aussi pouvoir accéder de nouveau au système financier, au carburant... Rien de cela ne fonctionne pour l'instant. Si la capitale administrative du pays déménage à Port-Soudan, cela nous permettrait de renforcer les liens avec les ministères.

En parallèle, nous sommes en train de créer des unités de clinique mobile pour intervenir à Wad Madani, une ville à mi-chemin entre Gedaref et Khartoum. On espère aussi recevoir des kits "traumas" de l'Organisation mondiale de la santé, pour traiter au mieux les blessés qui vont arriver de la capitale. Nous sommes engagés à rester. Je suis ici depuis deux ans et demi, et quand on voit la solidarité entre Soudanais, on se dit qu'on ne peut vraiment pas les quitter, pas à un moment comme celui-là.

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