Togo : un sommet contre le fléau du trafic de faux médicaments en Afrique
Les 17 et 18 janvier 2020, Lomé, la capitale togolaise, reçoit plusieurs chefs et anciens chefs d'Etat africains ainsi que le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, afin de lutter contre le trafic des médicaments falsifiés et de qualité inférieure sur le continent africain.
L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) le répète sur tous les tons : les médicaments "falsifiés ou de qualité inférieure" provoquent chaque année la mort de plus de 100 000 personnes en Afrique. A Lomé, capitale du Togo où se tient, les 17 et 18 janvier 2020, un sommet pour lutter contre le trafic de ces faux remèdes, mais aussi à Cotonou au Bénin ou à Lagos au Nigeria, la plupart des produits sont écoulés sur des marchés en plein air, souvent sur des bâches en plastique posées au sol. Cela s'appelle la "pharmacie par terre". On y trouve toutes sortes de remèdes, des anti-douleurs classiques aux antipaludéens en passant par les antibiotiques.
"Les fabricants brouillent les pistes"
Les médicaments vendus dans la rue sont généralement deux fois moins chers que dans les pharmacies, davantage contrôlées et obligées de s'approvisionner chez des fournisseurs agréés par le ministère de la Santé. "Il est très difficile de tracer les faux médicaments vendus dans la rue", explique à l'AFP le Dr Innocent Koundé Kpéto, président de l'Ordre national des pharmaciens du Togo. "Les pays qui sont mentionnés sur les boîtes, souvent, ne sont pas les pays de provenance de ces médicaments. Les fabricants brouillent les pistes pour ne pas être identifiés".
Dans certains cas, même les médecins y ont recours. Ainsi, Ayawo Hiévi, un couturier togolais, raconte à l'AFP comment, en 2015, un petit centre médical de son quartier à Lomé lui a prescrit de la quinine et un antibiotique frelatés qui lui ont endommagé les reins pour toujours.
Le phénomène existe dans le monde entier, mais, selon l'OMS, 42% des faux médicaments saisis depuis 2013 l'ont été sur le continent africain, où la faiblesse des systèmes de santé et la pauvreté ont favorisé, plus qu'ailleurs, l'émergence d'un marché parallèle très lucratif. La Fédération internationale de l'industrie du médicament (FIIM) estime qu'un investissement de 1000 dollars peut générer 500 000 dollars de profits, ce qui rendrait les faux médicaments plus rentables que la plupart des stupéfiants.
Deux cents tonnes de faux médicaments saisies à Abidjan
Des plaques tournantes du trafic ont été démantelées, comme le célèbre marché Adjégounlè à Cotonou, l'une des principales portes d'entrée des faux médicaments en Afrique. En juillet 2019, 67,8 tonnes de produits pharmaceutiques contrefaits, saisis entre juin 2018 et juin 2019, ont été brûlés à Lomé. Une saisie record de 200 tonnes de faux médicaments a aussi été réalisée mi-novembre à Abidjan par la gendarmerie ivoirienne et quatre suspects, dont un ressortissant chinois, ont été arrêtés. La Chine et l'Inde semblent être, en effet, les principaux pourvoyeurs des médicaments "falsifiés" dont la proportion par rapport aux remèdes homologués en Afrique s'élèverait par endroits à 60%.
Malgré les efforts récents, les saisies montrent que "le phénomène reste important" et implique "des réseaux criminels très organisés", selon le Dr Kpéto. Faute de législation spécifique, le trafic de faux médicaments est souvent considéré comme un simple délit de contrefaçon et les peines atteignent quelques mois d'emprisonnement tout au plus.
Vers un accord international criminalisant le trafic de faux médicaments
Lors du sommet de Lomé, sept chefs d'Etats africains (Togo, Congo-Brazzaville, Ouganda, Niger, Sénégal, Ghana, Gambie) doivent signer l'Initiative de Lomé, un accord international criminalisant le trafic de faux médicaments. Le Togo fait d'ailleurs figure de pionnier après avoir endurci son code pénal dès 2015. La peine encourue par les trafiquants y est désormais de 20 ans de prison et de 50 millions de francs CFA d'amende (76 200 d'euros). L'objectif de cette initiative, placée sous l'égide de la Fondation Brazzaville, une ONG indépendante basée à Londres, est d'inciter d'autres Etats à apporter une "réponse collective à cette crise panafricaine".
Mais, obstacle majeur, tant que le Nigeria, vaste marché de 200 millions d'habitants et première destination des produits contrefaits en Afrique, ne rejoindra pas les efforts déployés par ses voisins, la lutte contre ce fléau restera anecdotique. En effet, le tiers des 126 millions de médicaments falsifiés saisis dans 16 ports africains lors d'une opération de l'Organisation mondiale des douanes en septembre 2016, était destiné au géant anglophone.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.