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Tunisie : l’élection de Kaïs Saïed aura-t-elle des conséquences sur l'édition et la langue française ?

Le secteur du livre en Tunisie ne se porte pas trop mal. Comme d'ailleurs la situation de la langue française. Rencontre avec la responsable de la maison d'édition Elyzad. 

Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas - Envoyé spécial en Tunisie
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
A la Foire internationale du livre de Tunis, le 25 mars 2016 (REUTERS - ZOUBEIR SOUISSI / X02856)

Après la victoire de Kaïs Saïed à la présidentielle, l'incertitude politique inquiète les milieux culturels et la majorité des intellectuels, constate Elisabeth Deldoul, responsable de la maison d’édition francophone Elyzad. "On ne sait pas comment les choses vont se passer après cette élection. Aucun des deux candidats n’a abordé la politique culturelle, la place de la culture. C’est ce qui crée l’incertitude. C’est encore plus vrai pour le monde de l’édition", a-t-elle expliqué à franceinfo Afrique. Ce secteur n’en est pas moins soutenu depuis des décennies par le département du livre du ministère tunisien de la Culture. En 2020, son budget devrait même augmenter.

En Tunisie, l’édition arabophone représente les deux tiers du secteur, quand l’édition francophone n'en occupe qu'un tiers. Dans le domaine littéraire, on trouve une trentaine d’éditeurs (monolingues et bilingues). "Mais pour autant, nous n’avons pas davantage de lecteurs. Nous tenons la route grâce au soutien du ministère", explique Elisabeth Deldoul. Grâce aussi au fait que ces entreprises s’appuient sur des activités plus rentables "qui assurent les fins de mois" : librairies, imprimeries...

"Nous sommes totalement libres"

Fondée en 2005 et installée à Tunis, la maison Elyzad est ainsi un département de la librairie Clairefontaine. Celle-ci, qui n’a rien à voir avec la société française de papeterie du même nom, possède quatre points de vente. "Nous sommes deux à l'éditorial, mais bénéficions de l'équipe Clairefontaine pour l'administratif et l'export, et sous-traitons la maquette, la communication...", explique Elisabeth Deldoul. 

Elyzad publie chaque année une dizaine de livres. Parmi eux, des ouvrages écrits par des auteurs phares de la littérature francophone tunisienne : Azza Filali, Ali Bécheur, Yamen Manai, représentant de la jeune génération. La maison publie aussi en traduction française l’auteur arabophone Hassouna Mosbahi.

Les éditeurs tunisiens rencontrent-ils des problèmes de censure ? "Aucun ! Nous sommes totalement libres", répond Elisabeth Deldoul. Cela dit, la création récente d’une Fédération tunisienne des éditeurs "a été compliquée au niveau des démarches administratives. (...) Celle-ci a pour but de monter au créneau pour plus de transparence dans le secteur." Notamment pour savoir où va l’argent des subventions ministérielles. "C'est un contrepoids à l’incertitude ambiante"!"

Le président français Emmanuel Macron inaugure une école de l'Alliance française à Tunis, le 1er février 2018 durant sa première visite d'Etat en Tunisie. (AFP - ERIC FEFERBERG / POOL)

Paradoxe tunisien

La langue française est-elle en recul, comme on l'affirme souvent ? "On le dit depuis des années. Mais en même temps, les cours de langue donnés à l'Institut français sont pleins. Et en 2019, on a continué à ouvrir de nouvelles alliances françaises à Bizerte, à Kairouan… C’est le paradoxe tunisien : on dit que cette langue régresse au profit de l’anglais, mais l'Alliance continue à ouvrir de nouveaux centres", fait remarquer Elisabeth Deldoul. "Globalement, la Tunisie reste francophone, la France étant toujours le premier partenaire du pays", ajoute-t-elle.

La situation pourrait cependant changer en raison de la volonté affichée du nouveau président de rééquilibrer certaines relations avec l’ancienne puissance coloniale. Certains de ses partisans souhaitent aussi remplacer l'anglais par le français"L’avenir est plein de points d’interrogation. L’important est de savoir ce que va faire le nouveau venu, comment il va s’entourer, qui sera le prochain ministre." Réponse dans les mois à venir…

"En même temps, on raconte tellement de choses. Voyons très concrètement comment la situation va évoluer", observe l’éditrice. Et de conclure : "Il faut voir que ceux qui ont voté à plus de 70% pour Kaïs Saïed et ont fait la fête avenue Bourguiba à Tunis peuvent aussi redescendre dans la rue, si les nouvelles mesures ne leur conviennent pas. C’est un contrepoids à toute cette incertitude dont j’ai parlé. C’est ça qui me réconforte : la société civile est là."

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