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Ainsi Barack Obama a décidé que l'on verrait certes quelques bandes vidéos mais pas le corps de l'ennemi...mort

Pudeur de mettre sur la place publique un spectacle qualifié d"horrible. Ou plutôt crainte d"en faire un martyr, dit-on.Le sujet serait donc bien celui d"une icône dont on s"évertue à bloquer toute tentative de constitution. Pour l"heure, seul un spectacle inédit est réservé à la planète en attente de preuves plus morbides.
Article rédigé par Hervé Brusini
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Le président Obama, le vice-pdt J.Biden (G), R.Gates et H.Clinton (D) suivent en direct l¿intervention contre Ben Laden (AFP PHOTO / Official White House Photo by Pete Souza)

Pudeur de mettre sur la place publique un spectacle qualifié d"horrible. Ou plutôt crainte d"en faire un martyr, dit-on.

Le sujet serait donc bien celui d"une icône dont on s"évertue à bloquer toute tentative de constitution. Pour l"heure, seul un spectacle inédit est réservé à la planète en attente de preuves plus morbides.

Des photos prises dans le saint des saints de la puissance américaine, la « situation room » à la Maison blanche. Il est vrai que ça ne court pas les colonnes du numérique. D"ailleurs, le cliché est en passe de devenir cultissime.

Avec deux millions et demi de visites, le site photo de Yahoo qui l"a publié a connu l"un de ses records de fréquentation, Flickr a enregistré une progression qui laisserait sur place, parait-il, les images du mariage de Kate et William.

Le site Technaute.cyberpresse ne tarit pas d'éloge dans l"expertise statistique de ce succès de l"iconographie sur le web. Dans la cyber-planète, elles sont entre quatre et cinq images ainsi offertes à nos yeux avides de découvertes des lourds secrets d"Etat. Et là, chose extraordinaire, nous les voyons voir ! L"un de ces clichés expose même une sorte d"intimité de l"action au plus haut niveau. On y voit un Barack Obama dans une singulière posture, comme recroquevillé dans un coin de la salle, son siège est manifestement plus bas que le militaire ardemment décoré qui se tient à ses côtés, en l"occurrence « Brad » Webb le numéro deux du commandement général. Hillary Clinton se tient le bas du visage, comme pour réfréner un cri d"horreur. Tous les autres regardent dans une même direction, le vice-président Biden faisant la moue de celui qui en a vu d"autres. Sur la table des ordinateurs et quelques photos tirées sur papier dont on a pris soin de flouter l"image « pour cause de secret d"Etat ».

Tous ces clichés sont pris dans un même axe. Pas question de laisser apercevoir ce qui accapare ainsi l"attention et même bien plus, de tous ceux qui sont dans cette – bien nommée à en voir le spectacle- salle de crise. Le contre-champ est donc absent. Or, ce contre-champ à lui seul constitue l"intérêt de cette représentation du pouvoir dans l"un de ces moments historiques. Ce vide, presque valorisé, de ce qu"on ne peut pas voir laisse la porte ouverte à tous les fantasmes, à tous nos petits et grands imaginaires. Leon Panetta, le directeur de la CIA était parait-il en train de décrire ce qu"il voyait lui de l"image envoyée en direct par le commando navy seals. Une sorte de mise en abîme de l"opération anti-terroriste. Mais peut-être bien que le Président Obama voyait directement le direct, à la façon d"un épisode de la série nouvelle "40 minutes Chrono". Ou encore à ce moment là, autre suggestion, vivaient-ils, la chute de l"un des hélicoptères puisque l"on nous a parlé d"une panne mécanique fatale à l'un d'entre eux. En tout cas pas de Ben Laden, ni lui, ni sa femme, ni aucun gardien. Du coup, voilà relancé par la grâce de la communication de Washington, les pires théories du complot. Le chef de Al-Qaïda est il vraiment mort ?

Etrange exercice à double tranchant que la communication dans le dossier Ben Laden. On sait que le plus fidèle messager du chef terroriste a probablement guidé malgré lui ses pires ennemis jusqu"à leur cible. Et, les pires ennemis qui publient maintenant l"image d"une absence, risquaient de contribuer à faire revivre ce chef qui par delà sa mort persistait à leur échapper.

Mais voici que peu à peu le butin de Ben Laden est exposé en place publique et le mythe s"effondre. Un trésor en vidéos où l"on voit le leader terroriste dans l"atelier d"une de ses armes favorites à savoir la propagande.

Une couverture sur les épaules, la zapette à la main, Ben Laden s"observe dans ses exercices télévisés. A sa droite, sur un tabouret on croit distinguer une perceuse. Il y a aussi une multiprise, et près du petit téléviseur une sorte de décodeur posé sur un fouillis de câbles. Bref, l"homme qui faisait peur au monde vivait somme toute de façon assez misérable (au moins dans ce premier spectacle) y compris quand il ajustait les tirs de son armurerie personnelle. Et une fois de plus, se confirme au passage que la transparence voulue par les médias en démocratie s"avère pour le coup mortelle, à l"égard de ceux qui dans leur clandestinité rêvent de destruction.

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