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Colombie: les points noirs liés à l'accord de paix avec les Farc

L'accord de paix signé entre le président colombien Juan Manuel Santos et la guérilla marxiste des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), entré en vigueur le 1er décembre 2016, vient de passer dans sa phase concrète. Les ex-guérilleros vont devoir rendre leurs armes et préparer leur retour à la vie civile. Dans le même temps, le post-conflit est émaillé de violences et d'inquiétudes.
Article rédigé par Véronique le Jeune
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Une ex-guérillera des Farc rejoint une zone de démobilisation dans le nord-est de la Colombie afin d'y rendre son arme et son uniforme, conformément à l'accord de paix. (Jesus Colorado / AFP)

«La paix complète»,c'est le but affiché par les autorités colombiennes qui reprennent en ce début 2017, des négociations de paix avec la dernière guérilla du pays, l'ELN.

En attendant, 53 ans après le début du conflit armé avec les Farc, qui a fait 260.000 morts et près de 7 millions de déplacés, voici enfin venu le temps, qui paraissait «impossible» selon le président Santos, de la démobilisation pour la principale guérilla du pays. «Combien de temps avons nous rêvé de ce que maintenant nous voyons?», s'est demandé le chef de l'Etat et prix Nobel de la Paix à Bogota, le 1er février 2017, soulignant sur son compte Twitter que désormais «les Farc marchent vers la paix et vers une vie sans armes». Des programmes de réinsertion les attendent.

#EsConTodos que hicimos posible lo imposible. Más de 6 mil miembros de las Farc reincorporándose a la legalidad, entregarán sus armas a @UN pic.twitter.com/mrYC8ShPGO

Environ 6.300 guérilleros et guérilleras sont attendus aux 26 points de rassemblement répartis à travers le pays. Ils vont y déposer leurs armes et préparer leur retour à la vie civile sous supervision de l'ONU. Les rebelles des Forces armées révolutionnaires de Colombie s'y acheminent en bateau ou en canoë sur les innombrables rivières sillonnant le pays, ou bien à pied et en camion sur les pistes de la jungle équatoriale.

Une ONG reproche aux autorités colombiennes leur bureaucratie
La préparation des zones a pris du retard en raison de leur accès difficile et du manque d'infrastructures dans ces régions isolées. 
Une seule des 26 zones «est prête» à recevoir les Farc, a dénoncé l'ONG Paix et Réconciliation, spécialisée dans l'étude du conflit armé colombien.
 
Le rapport, publié le 1er février, impute au gouvernement du président Juan Manuel Santos les retards pris dans l'équipement (ni eau ni électricité dans certains cas) de ces zones transitoires de normalisation (ZVTN), où les guérilleros doivent se regrouper pour déposer les armes d'ici à six mois.
 
Pour la fondation, «cette grande tragédie est due à l'excessive bureaucratisation lors de la conclusion des contrats» avec les entreprises chargées de monter les infrastructures nécessaires.

Des leaders de la société civile assassinés
Autre préoccupation exprimée par l'ONG Paix et Réconciliation, celle qui concerne les meurtres récents de leaders de la société civile, chargés de défendre les droits des paysans spoliés par le conflit.

Elle accuse des éleveurs de bétail de certaines régions du pays d'avoir, en connivence avec des élus locaux, recruté des tueurs du Clan del Golfo, principal gang de Colombie, «pour assassiner» ces militants. Dix-sept d'entre eux ont été tués depuis le 1er décembre 2016.
 
«Il y a des zones où l'on veut empêcher que le post-conflit avance car il implique des restitutions de terres ou des processus de recherche de la vérité» sur des crimes commis pendant le conflit armé, a déclaré Arial Avila, le président de la fondation.

Les milices paramilitaires d'extrême droite, armées dans les années 80 par de grands propriétaires terriens pour combattre les guérillas marxistes, ont été officiellement démobilisées entre 2003 et 2006. Mais des dissidents ont rejoint ou formé des gangs spécialisés dans le trafic de drogue et les mines clandestines. 

Les Farc pourraient se retrouver en position vulnérable
Les ex-guérilleros craignent que leur démobilisation ne génère une vague de violences similaire à celle qui, en 1984, avait suivi un précédent processus de paix avorté sous la présidence de Belisario Betancur. Les attaques s'étaient soldées par l'extermination de la plupart des militants du parti de gauche Union patriotique (UP), qui voulaient se présenter à de futures élections.
 
A l'époque, quelque 3.000 membres de l'UP, dont deux candidats à la présidence, avaient été abattus par des paramilitaires en connivence avec des membres des forces de l'ordre. Ce souvenir hante les esprits.

Un paysan près de ses cultures de coca à Policarpa dans la province de Nariño (sud-ouest de la Colombie). (LUIS ROBAYO / AFP)

Les cultivateurs de coca en plein désarroi
L'accord de paix prévoit aussi dans son point N°4 de mettre en place un programme de substitution des cultures illicites, comme la coca, la marijuana et le pavot. Le plan établi avec les ex-rebelles des Farc et appelé à être mis en application avec leur concours, prévoit la culture de cacao et d'arbres fruitiers sur 50.000 hectares en 2017.

Mais les paysans redoutent ce changement: la disparition de la manne de la culture de la coca et son commerce facile. Les productions voulues par l'Etat seront sans doute plus difficiles à écouler en raison de l'accès difficile aux terres agricoles, aujourd'hui couvertes de plantes illicites. Assurer des revenus équivalents aux cultivateurs de coca, c'est le défi du gouvernement.

La Colombie est le premier producteur mondial de feuille de coca, plante sacrée des indigènes et composant de base de la cocaïne, avec 96.000 hectares de plantation. Le pays est aussi le premier producteur de cette drogue avec 646 tonnes en 2015, selon les derniers chiffres de l'ONU.

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