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Colombie-Venezuela: la contrebande provoque une crise frontalière

Une partie de la frontière entre le Venezuela et la Colombie a été fermée pour lutter contre la contrebande et un millier de Colombiens ont été expulsés du Venezuela. Pour autant, les deux pays affirment leur volonté de coopération. Mais sans parvenir à trouver un accord permettant la réouverture de la frontière. Géopolis revient sur la genèse de cette crise.
Article rédigé par Amira Bouziri
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
A la frontière entre la Colombie et le Venezuela, des militaires des deux pays surveillent les bords du fleuve Tachira, le 26 août 2015. (LUIS ACOSTA / AFP)
«La rencontre a été positive, ouverte, franche», a assuré la ministre colombienne des Affaires étrangères, Maria Angela Holguin, à la presse à l'issue d'une réunion avec son homologue vénézuélienne Delcy Rodriguez à Carthagène, en Colombie, le 26 août 2015. Selon elle, les sujets de fond liés à cette crise ont été abordés.

«Nous avons le problème de groupes criminels qui se consacrent au trafic de drogue et à la contrebande, le problème du prix de l'essence et celui du différentiel du change monétaire», a déclaré la ministre colombienne. Cette rencontre a permis aux deux gouvernements d'affirmer leur coopération pour tenter de résoudre la crise frontalière mais le trafic illégal des deux côtés de la frontière et l'expulsion récente de Colombiens vivant au Venezuela compliquent la constitution d'un accord.
 
La ministre des Affaires étrangères vénézuelienne, Delcy Rodriguez, et son homologue colombienne, Maria Angela Holguin, se sont rencontrées pour discuter de la crise frontalière de leurs deux pays, à Carthagène, en Colombie, le 26 août 2015. (JOAQUIN SARMIENTO / AFP)

Le 22 août 2015, après une embuscade à la frontière dans laquelle trois militaires et un civil vénézuéliens ont été blessés, Caracas a décrété l'état d'exception pour 60 jours et fermé de manière «indéfinie» une partie de la frontière, une zone poreuse de 2.219 kilomètres où se multiplient les activités de guérilleros, de paramilitaires, de trafiquants de drogue. Mais aussi de nombreux contrebandiers.

L'essence en Colombie 3.571 fois plus chère qu'au Venezuela
Les généreuses subventions publiques au Venezuela, pour imposer des «prix solidaires» aux produits de première nécessité, entraînent d'énormes différences de tarifs entre la Colombie et le Venezuela. Exemple: ce dernier, qui dispose d'un quart des réserves pétrolières prouvées de la planète, selon l'Opep, offre l'essence la moins chère au monde. «L'équivalent d'un camion-citerne rempli d'essence coûte ainsi moins de sept dollars au Venezuela, et à Cucuta (ville colombienne proche de la frontière, ndlr), 25.000 dollars», explique l'économiste Luis Vicente Leon, directeur de la société d'études Datanalisis, cité par l'AFP.

Faire passer discrètement en Colombie des marchandises vénézuéliennes pour les revendre, «c'est beaucoup plus rentable que le narcotrafic». Quant aux produits basiques comme le lait, le sucre ou le papier toilette, leurs prix peuvent être multipliés par dix d'un pays à l'autre.
 
Des bouteilles d'essence de contrebande sont vendues dans la ville frontalière colombienne de Cucuta, le 26 août 2015.


Des Colombiens expulsés
La rencontre entre les deux ministres était destinée notamment, pour Bogota, à protester «contre la façon dont ont été maltraités» les Colombiens, selon les propres mots du président Juan Manuel Santos, ce que nie Caracas. En quelques jours, plus de 1.000 Colombiens installés au Venezuela ont été expulsés du territoire vénézuélien, accusés de ne pas être en règle. Dans la ville frontalière de Cucuta, un centre d'urgence pour les Colombiens a été installé et a reçu jusqu'à présent 1.088 personnes, dont 244 mineurs, selon le bureau colombien des migrations.

Le président Santos s'en est vivement ému : «La situation des compatriotes au Venezuela et de ceux qui vivent à la frontière nous inquiète», a-t-il déclaré en conférence de presse, et «nous exigeons du gouvernement du Venezuela le respect pour tous les Colombiens, des plus humbles aux plus puissants». Olinda Prado, une Colombienne expulsée après avoir vécu 10 ans au Venezuela, a confié son désarroi. «Nous n'avons nulle part où amener nos affaires», a-t-elle déclaré à l'AFP, après avoir traversé comme tant d'autres le fleuve Tachira, frontière naturelle entre les deux pays, avec le peu de choses qu'elle a pu emporter.

Des Colombiens quittent le Venezuela avec leurs affaires en passant par le fleuve Tachira, frontière naturelle entre les deux pays, le 26 août 2015. (LUIS ACOSTA / AFP)

«Construire une frontière de paix»
Maria Angela Holguin, la ministre colombienne des Affaires étrangères, a annoncé que les ministres de la Défense des deux pays allaient se rencontrer dans les prochains jours pour établir un plan de lutte contre les groupes criminels, et que la Colombie renforcerait sa présence «sur 47 nouveaux passages frontaliers informels», une des mesures d'un plan qui devrait être appliqué rapidement. La ministre a assuré que le Venezuela ferait des propositions pour lutter contre le trafic d'essence et la contrebande de marchandises. «Personne ne nous détournera de cette ligne de coopération avec le Venezuela», a insisté Maria Angela Holguin.
 
La ministre vénézuélienne, de son côté, a assuré que la réunion représentait un premier pas «sur le chemin qui nous permettra de construire une nouvelle frontière». «Nous continuerons à travailler pour construire une frontière de paix (...) où les mafias ne s'imposent pas», a ajouté Delcy Rodríguez. 

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