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Peut-on faire confiance à Horacio Cartès, le «Berlusconi du Paraguay»?
Le conservateur Horacio Cartès, richissime homme d’affaires de 57 ans, a pris le 15 août 2013 ses fonctions de président du Paraguay. Il a promis de lutter contre la pauvreté dans un pays où la forte croissance ne profite pas aux plus démunis. En aura-t-il vraiment les moyens ? En aura-t-il aussi la volonté ?
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«Nous avons déclaré la guerre à la pauvreté» et il n’y aura «aucune trêve», avait déclaré Horacio Cartes le 21 avril 2013 à l’annonce de sa victoire. «Je ne suis pas entré en politique pour accroître mon patrimoine. Je suis ici pour servir mon peuple, pour améliorer l'avenir des nouvelles générations, pour que tout le monde ait les mêmes opportunités professionnelles» et les même conditions de «sécurité», a-t-il précisé lors de son discours d’investiture. Dans le même temps, il a annoncé qu’il faisait don de son salaire mensuel (10.000 dollars), pendant toute la durée de son mandat de cinq ans, à une institution médicale.
Comme à son habitude, Horacio Cartès, fervent catholique, a invoqué Dieu lors de sa prise de fonctions et fait référence au pape François. S'adressant aux jeunes, il a paraphrasé François pendant son déplacement au Brésil en les exhortant à ne pas se laisser faire «si je ne réponds pas aux attentes».
Le Paraguay, un pays pauvre
Il aura fort à faire pour tenir ses promesses… Peuplé de 6 millions d’habitants, enclavé entre le Brésil et l’Argentine, le pays connaît certes une forte croissance à deux chiffres : 11 à 13 % en 2013, selon les prévisions. Et ce en raison d’une bonne récolte de soja, monoculture dont le Paraguay est l’un des grands exportateurs. Mais en même temps, il connaît une forte pauvreté (le revenu annuel moyen par habitant s’élève à 3290 dollars US). Un tiers de la population (6,8 millions d’habitants) est considéré comme démuni, près de 20 % vivant dans un dénuement extrême.
Pour cette raison, nombre de Paraguayens doivent s’exiler, notamment en Argentine, confiant leurs enfants à leurs proches. Ils laissent ainsi «des familles désintégrées», a dit le nouveau président lors de son discours d’investiture.
Pour créer des emplois, celui qui s’enorgueillit de donner du travail à des milliers de personnes, entend s’appuyer sur son expertise d’homme d’affaires. «C’est un excellent businessman et cela se reflétera dans son style de gouvernement», pense une enseignante d’Asuncion, la capitale. Il compte aussi sur les richesses produites par le soja et entend attirer des investissements étrangers au Paraguay, où la pression fiscale est faible.
Il envisage de mettre en place un grand programme de construction de logements. Durant sa campagne, il a aussi évoqué une réforme agraire dans un pays où 80 % des terres sont entre les mains de 2 % des grands producteurs de soja.
Une réputation sulfureuse
Reste à savoir si Horacio Cartès pourra et voudra tenir ses promesses. L’homme, parfois surnommé le «Berlusconi du Paraguay», est l’un des hommes les plus riches de son pays, considéré comme l’un des plus corrompus du continent latino-américain. Il est fondateur et président du conglomérat Grupo Cartes, qui possède une vingtaine d'entreprises dans les secteurs bancaires et agro-alimentaires. Il est également propriétaire du club de football Libertad d’Asuncion, la capitale, qui a remporté plusieurs titres de champion du pays. Ce qui a permis à son dirigeant de se faire connaître du grand public.
Selon le site Wikileaks, cité par le journal britannique The Guardian, les autorités américaines ont enquêté récemment sur son implication éventuelle dans des trafics de drogue et de cigarettes. Il a également été accusé de blanchir de l’argent pour le compte de trafiquants brésiliens. Il s’agit de simples «anecdotes», a rétorqué Horacio Cartès qui a toujours nié toute malversation. Autre «casserole», citée par Radio Canada : en 1986, il avait été emprisonné pendant 60 jours dans une affaire de fraude bancaire pour laquelle aucune accusation n’a finalement été retenue.
On lui reproche aussi ses propos sur les homosexuels. Pendant la campagne, il a ainsi affirmé qu’il se tirerait une balle «dans les c...» s’il découvrait que son fils entendait se marier avec un autre homme.
Avec Horacio Cartès revient au pouvoir, après un intermède de cinq ans, le Parti Colorado, formation qui a dirigé le Paraguay sans discontinuer de 1947 à 2008. Et souvent décrite comme «corrompue» et «clientéliste». De ses rangs est notamment issu l’ancien dictateur d’extrême droite Alfredo Stroessner qui a gouverné le pays sans partage pendant qu’un tiers de ses compatriotes prenait le chemin de l’exil. Il avait mis le pays en coupe réglée et accueillait de grands délinquants ou criminels nazis comme Josef Mengele, le médecin tortionnaire d’Auschwitz.
Premiers pas
Les premiers pas du nouveau président ont surpris. Il a constitué un gouvernement d’experts et non de politiques. Une initiative qui a suscité du mécontentement au sein même de son parti. «Il va rencontrer une grande résistance» au sein du Colorado, estimait avant son intronisation Andrew Nickson, un universitaire britannique spécialiste du Paraguay cité par l’AFP.
Pour ce dernier, Horacio Cartès aura du mal à imprimer un changement. Et «son profil un peu polémique va lui poser problème au niveau international». «Quand le président est un chef d'entreprise, d'après les règles internationales, il doit se défaire de ses responsabilités dans les affaires, comme l’a fait le président (Sebastian) Pinera au Chili. Si (Horacio Cartès) ne le fait pas, il y a un risque de conflit d'intérêt», ajoute l’universitaire. Pour l’instant, le dirigeant n’a pas fait part de ses intentions en la matière…
La prise de fonctions de Horacio Cartès
Tele SUR (chaîine vénézuélienne), 15-8-2013 (en espagnol)
Comme à son habitude, Horacio Cartès, fervent catholique, a invoqué Dieu lors de sa prise de fonctions et fait référence au pape François. S'adressant aux jeunes, il a paraphrasé François pendant son déplacement au Brésil en les exhortant à ne pas se laisser faire «si je ne réponds pas aux attentes».
Le Paraguay, un pays pauvre
Il aura fort à faire pour tenir ses promesses… Peuplé de 6 millions d’habitants, enclavé entre le Brésil et l’Argentine, le pays connaît certes une forte croissance à deux chiffres : 11 à 13 % en 2013, selon les prévisions. Et ce en raison d’une bonne récolte de soja, monoculture dont le Paraguay est l’un des grands exportateurs. Mais en même temps, il connaît une forte pauvreté (le revenu annuel moyen par habitant s’élève à 3290 dollars US). Un tiers de la population (6,8 millions d’habitants) est considéré comme démuni, près de 20 % vivant dans un dénuement extrême.
Pour cette raison, nombre de Paraguayens doivent s’exiler, notamment en Argentine, confiant leurs enfants à leurs proches. Ils laissent ainsi «des familles désintégrées», a dit le nouveau président lors de son discours d’investiture.
Pour créer des emplois, celui qui s’enorgueillit de donner du travail à des milliers de personnes, entend s’appuyer sur son expertise d’homme d’affaires. «C’est un excellent businessman et cela se reflétera dans son style de gouvernement», pense une enseignante d’Asuncion, la capitale. Il compte aussi sur les richesses produites par le soja et entend attirer des investissements étrangers au Paraguay, où la pression fiscale est faible.
Il envisage de mettre en place un grand programme de construction de logements. Durant sa campagne, il a aussi évoqué une réforme agraire dans un pays où 80 % des terres sont entre les mains de 2 % des grands producteurs de soja.
Une réputation sulfureuse
Reste à savoir si Horacio Cartès pourra et voudra tenir ses promesses. L’homme, parfois surnommé le «Berlusconi du Paraguay», est l’un des hommes les plus riches de son pays, considéré comme l’un des plus corrompus du continent latino-américain. Il est fondateur et président du conglomérat Grupo Cartes, qui possède une vingtaine d'entreprises dans les secteurs bancaires et agro-alimentaires. Il est également propriétaire du club de football Libertad d’Asuncion, la capitale, qui a remporté plusieurs titres de champion du pays. Ce qui a permis à son dirigeant de se faire connaître du grand public.
Selon le site Wikileaks, cité par le journal britannique The Guardian, les autorités américaines ont enquêté récemment sur son implication éventuelle dans des trafics de drogue et de cigarettes. Il a également été accusé de blanchir de l’argent pour le compte de trafiquants brésiliens. Il s’agit de simples «anecdotes», a rétorqué Horacio Cartès qui a toujours nié toute malversation. Autre «casserole», citée par Radio Canada : en 1986, il avait été emprisonné pendant 60 jours dans une affaire de fraude bancaire pour laquelle aucune accusation n’a finalement été retenue.
On lui reproche aussi ses propos sur les homosexuels. Pendant la campagne, il a ainsi affirmé qu’il se tirerait une balle «dans les c...» s’il découvrait que son fils entendait se marier avec un autre homme.
Avec Horacio Cartès revient au pouvoir, après un intermède de cinq ans, le Parti Colorado, formation qui a dirigé le Paraguay sans discontinuer de 1947 à 2008. Et souvent décrite comme «corrompue» et «clientéliste». De ses rangs est notamment issu l’ancien dictateur d’extrême droite Alfredo Stroessner qui a gouverné le pays sans partage pendant qu’un tiers de ses compatriotes prenait le chemin de l’exil. Il avait mis le pays en coupe réglée et accueillait de grands délinquants ou criminels nazis comme Josef Mengele, le médecin tortionnaire d’Auschwitz.
Premiers pas
Les premiers pas du nouveau président ont surpris. Il a constitué un gouvernement d’experts et non de politiques. Une initiative qui a suscité du mécontentement au sein même de son parti. «Il va rencontrer une grande résistance» au sein du Colorado, estimait avant son intronisation Andrew Nickson, un universitaire britannique spécialiste du Paraguay cité par l’AFP.
Pour ce dernier, Horacio Cartès aura du mal à imprimer un changement. Et «son profil un peu polémique va lui poser problème au niveau international». «Quand le président est un chef d'entreprise, d'après les règles internationales, il doit se défaire de ses responsabilités dans les affaires, comme l’a fait le président (Sebastian) Pinera au Chili. Si (Horacio Cartès) ne le fait pas, il y a un risque de conflit d'intérêt», ajoute l’universitaire. Pour l’instant, le dirigeant n’a pas fait part de ses intentions en la matière…
La prise de fonctions de Horacio Cartès
Tele SUR (chaîine vénézuélienne), 15-8-2013 (en espagnol)
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