Cet article date de plus de huit ans.

Récit A Dallas, cinq policiers tués : "Les coups de feu sont sortis de nulle part"

Cinq policiers ont été tués lors d'une manifestation contre les violences policières à l'encontre de la communauté afro-américaine, jeudi. L'un des suspects a affirmé vouloir tuer des officiers blancs. L'Amérique a été rattrapée par son cauchemar interracial. 

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Un officier de police à Dallas, après la fusillade qui a fait cinq morts parmi les forces de l'ordre, le 8 juillet 2016.  (LM OTERO / AP / SIPA)

Theresa Williams marche parmi la foule, entourée de ces quatre garçons, ce jeudi 7 juillet à Dallas (Texas). La température est encore élevée en ce début de soirée. Autour d'elle, des jeunes et des moins jeunes, des Noirs et des Blancs, des familles avec leurs enfants... Ils brandissent des pancartes "Justice pour Philando Castile", "Stop aux brutalités policières", "Les vies des noirs comptent" ("Black Lives Matter"), du nom du mouvement qui dénonce les violences policières contre les Afro-Américains.

L'ambiance est calme. Comme dans d'autres villes des Etats-Unis, des milliers de personnes se sont rassemblées pour protester pacifiquement contre la mort de deux hommes noirs abattus par la police cette semaine. Mardi, Alton Sterling est abattu à Bâton-Rouge, en Louisiane, après avoir été appréhendé et plaqué au sol par deux policiers. Le lendemain soir, Philando Castile est tué de plusieurs balles, dans le Minnesota, après avoir été arrêté pour un feu arrière cassé sur sa voiture.

"C'était le chaos total"

La police de Dallas encadre le défilé "pour la sécurité des manifestants" et poste des photos sur son compte Twitter. Après une pause devant les marches du Old Red Museum, ce château aux briques rouges, les manifestants se dirigent vers le carrefour Main Street-Lamar Street.

Soudain, vers 20h45, des tirs retentissent. La foule se disperse et se met à fuir en courant. "Il y avait des Noirs, des Blancs, des Latinos, tout le monde. C'était la protestation d'une communauté mixte. Et il y a eu (les coups de feu) sortis de nulle part. On avait l'impression qu'on tirait sur nous. C'était le chaos total, c'est complètement fou", raconte un témoin à l'AFP.

Dans la panique, Theresa Williams se jette sur ses garçons, âgés de 12 à 17 ans, pour les protéger. Comme l'indique sa sœur au Boston Globe, elle reçoit une balle au mollet droit. Mais les balles qui sifflent ne semblent pas viser les civils réunis sur le bitume ce soir-là. Elles se concentrent sur les policiers en faction. "Je n'ai vu que les policiers se faire tirer dessus, personne d'autre n'était visé à part eux", témoigne un manifestant.  

Fusillade à Dallas : cinq policiers abattus
Fusillade à Dallas : cinq policiers abattus Fusillade à Dallas : cinq policiers abattus (France 2)

"Regardez, il tire vers la gauche, vers la droite"

Ismael Dejesus est dans son hôtel quand il entend "des feux d'artifice". Il se précipite sur le balcon et se met à filmer avec son téléphone. Un tireur en action est sous ses yeux. Il raconte la suite à CNN : "C'est lui, là, à côté de la colonne blanche, regardez, il tire vers la gauche, tire vers la droite, tire de l'autre côté, on voit qu'il vise quelqu'un", commente-t-il. "Ensuite, il s'est retourné pour vérifier que personne n'arrivait derrière lui, mais il y avait un policier qui arrivait et qui a essayé de l'avoir, mais ça s'est mal terminé."

C'était une exécution, franchement. Alors qu'il était déjà à terre, l'homme a encore tiré sur lui trois ou quatre fois.

Ismael Dejesus

à CNN

On ignore toujours le nombre exact de tireurs ou s'il s'agit d'un seul individu, même si la police évoque assez rapidement la présence de deux snipers, qui "ont commencé à tirer sur les policiers à partir d'une position élevée"Les policiers, retranchés comme ils peuvent derrière leur véhicule, appellent des renforts. Douze d'entre eux sont blessés par les tirs, certains dans le dos. Cinq vont succomber à leurs blessures. Alignés, leurs collègues leur rendent hommage devant l'hôpital de Parkland, en position de salut solennel ou la main sur le cœur. 

Des policiers blancs pris pour cible

La nuit est tombée sur Dallas. La traque commence. Des équipes du SWAT, la force d'intervention d'élite de la police, sont déployées. Les autorités interdisent le survol de la ville. Dans la confusion, la police de Dallas diffuse sur son compte Twitter la photo d'un suspect armé. L'homme, disculpé quelques heures plus tard, ne faisait qu'user de son droit. En début d'année, le Texas a légalisé le port d'armes visibles pour les détenteurs de permis.

Un tireur est finalement repéré dans un garage. Les forces de l'ordre encerclent les lieux et le siège commence. Des négociateurs entrent en action. L'homme leur lance que "la fin est proche", qu'il va "tuer et blesser encore des policiers". Et il affirme qu'"il y a des bombes partout dans le garage et dans le centre-ville", selon ses propos rapportés par le chef de la police de Dallas, David Brown. Il ajoute un élément important pour l'enquête : 

Le suspect a dit qu'il en voulait aux Blancs, qu'il voulait tuer des Blancs, en particulier des policiers blancs.

David Brown

Chef de la police de Dallas

Le mobile interracial se précise. Le suspect, identifié comme Micah Johnson, 25 ans, ajoute, toujours selon David Brown, qu'il est "très affecté par les récentes fusillades policières" visant des Noirs et qu'il ne serait "affilié à aucun groupuscule". Les forces d'élite décident d'intervenir et introduisent un robot policier télécommandé porteur d'une bombe. Micah Johnson, qui vivait à Mesquite, en banlieue de Dallas, est tué.

Le pire bilan pour les forces de l'ordre depuis le 11-Septembre

Une femme, qui se trouvait dans la même partie du garage que le tireur, est interpellée. Deux autres suspects sont arrêtés après avoir été repérés avec des sacs en tissu camouflage dans leur voiture.

Dallas est sous le choc. Une habitante de la ville texane, Jalisa Jackson, ose la comparaison auprès de l'agence de presse AP : "Je pense que nous n'avions pas vécu quelque chose d'aussi grave ici depuis la mort de JFK", lâche-t-elle évoquant l'assassinat du président américain dans les rues de la ville en 1963. Au-delà de Dallas, ce bilan de 12 victimes, dont cinq morts, est le pire enregistré par les forces de l'ordre aux Etats-Unis depuis le 11 septembre 2001.

Le chef de la police de Dallas, David Brown, lors d'une conférence de presse le 8 juillet 2016.  (MARK MULLIGAN / AP / SIPA)

La mort d'Alston Sterling et Philando Castile avait ravivé le spectre du racisme. La fusillade de Dallas replonge les Etats-Unis dans le cauchemar de la haine interraciale. A la veille du drame, Barack Obama avait dénoncé un "grave problème" qui ronge l'Amérique, soulignant que son pays avait vécu "trop de fois des tragédies". "Cette fracture entre notre police et nos citoyens doit cesser", a de son côté plaidé David Brown, au terme de la nuit sanglante.

A la une du Dallas Morning News, vendredi matin : un policier noir, qui pleure ses collègues.  

Les deux candidats à l'élection présidentielle américaine, Hillary Clinton et Donald Trump, ont annulé leurs meetings de campagne. L'évènement ne manquera pas de nourrir les débats en vue de l'élection présidentielle de novembre prochain. 

Lancez la conversation

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.