Afghanistan : les familles des soldats veulent faire leur deuil
Laurence et Joël Le Pahun m'ont aimablement convié à les rencontrer chez eux, dans leur coquet pavillon de Montévrain, en Seine-et-Marne. Rendez-vous est pris pour midi. Les Le Pahun sont en pleins préparatifs. Leurs sacs de voyage, posés au pied de l'escalier, illustrent leur impatience à se rendre en Afghanistan.
S'ils avaient pu, confie Laurence, la maman de Julien, ils seraient partis dès le 19 août, dès qu'ils ont appris que leur fils était tombé dans l'embuscade mortelle. Dans le séjour, la photo de Julien est partout. Posé sur le rebord de la cheminée, un cliché de Julien vêtu de son uniforme militaire. A côté, sur une étagère, des photos de Julien, alors qu'il était encore enfant.
Avec beaucoup de dignité, la maman explique qu'elle a besoin de ce déplacement en Afghanistan, pour faire son deuil, pour sentir, voir, les lieux où son fils a passé les dernières semaines de sa vie. Elle espère aussi rencontrer les amis de son fils, sur place, évoquer les souvenirs, fouler le sol afghan, le sable, la terre, les pierres... Assis à la table du salon, le père, Joël, travaille sur son ordinateur portable. De temps en temps, pour rafraichir sa mémoire, sa femme le questionne. : "Le chef de Julien, était-ce un sergent-chef ou un colonel ?".
"Je l'aurais empêché de partir"
Laurence Le Pahun parle facilement de son fils aîné. Elle avoue survivre plutôt que vivre, depuis trois semaines. Pêle-mêle, elle évoque la crainte de son fils à partir en Afghanistan. Si seulement elle avait su... "Je l'aurais empêché de partir", dit-elle. Laurence et son mari Joël ont été heureux lorsque Julien leur a dit son souhait de s'engager dans l'Armée. Mais ils ont été plus inquiets quand il a précisé son désir d'intégrer l'unité de combats.
Depuis la mort de Julien, un copain de leur fils vient tous les deux jours discuter avec eux. Ils évoquent les souvenirs, ses sorties quand celui qui est encore, à 19 ans, un "grand adolescent" rentrait à la maison, lors de ses rares permissions.
Julien, parti en Afghanistan le 23 juillet, devait rentrer au mois de décembre en France. Ses parents ont encore du mal à imaginer qu'ils ne le reverront plus, même s'ils ont le sentiment de l'avoir déjà enterré quatre fois : lorsque le corps est arrivé à Roissy, lors de la cérémonie aux Invalides, lors de l'enterrement au cimetière de Montévrain et enfin au moment où toutes les familles se sont retrouvées à la cathédrale de Castres, la sous-préfecture du Tarn qui abritait le régiment de Julien.
Laurence, qui part chercher l'un de ses fils, cède sa place à son mari. Lui a davantage de mal à se livrer. Peut-être cette visite en Afghanistan aura-t-elle une vertu pour cet homme d'une quarantaine d'années. Lui qui s'attend à chaque instant à voir son fils franchir le seuil de la maison espère que les 48 heures passées dans le pays où son fils est mort lui permettront de faire vraiment le deuil de Julien.
Sébastien Baer
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